Enki Bilal n'aura jamais aussi bien servi de part son dessin si froid, tortueux, glaçant, cette histoire de remords et de désillusions.
L'histoire, simple sur le papier, se résume à un regroupement de vieux soviets, héros de la révolution qui se retrouvent pour une partie de chasse. A travers leurs discussions, on découvre leurs vies, leurs regrets, leurs amertume, et leur déférence pour Vassili Alexandrovitch Tchevtchenko.
Ils incarnent à eux seuls tous les souvenirs glorieux de l'URSS, et la gangrène qui la gagne. Membres de la Nomenklatura, leur luxe équipementier est importé des USA, ils ironisent sur le caviar, et fument havanes en sirotant du cognac.
Ils n'ont plus qu'à ressasser leurs vieux souvenirs pour éviter l'examen de conscience, terrible, de leur échec et de leur déchéance idéologique personnelle.
A travers de nombreux flashbacks, c'est toute l'histoire de la Russie post Tsariste qui défile, tourbillon ensanglanté, épique et crasseux.
Le dessin de Bilal semble exister pour cet album. Glauque, sombre, saturé d'une imperceptible souillure, dégoulinant, chaque planche est un chef d'œuvre.
Partie de Chasse, ce n'est ni une dénonciation du communisme, encore moins une apologie. C'est l'illustration parfaite du fracas des rêves dogmatiques face à la réalité, réalité qui ne pardonne ou n'excuse rien, constate simplement l'échec.
Un album magnifique, peut être le meilleur d'Enki Bilal et de son scénariste Pierre Christin.