Il y a quelques années, un pote, connaissant mon intérêt pour les cultures amérindiennes, me conseille ce roman graphique, dont j'achetai alors le premier tome, me prenant une claque magistrale.J'ai mis plusieurs années à tout lire, chacun des livres étant à digérer.. Et aussi parce que j'avais pas de sous.
L'idée est simple : dans une réserve Lakota (sioux) pourrie dirigée par Red Crow, vieil indien corrompu, on va inaugurer un casino. C'est le moment que choisis Dashiel Bad Horse, qui a quitté la réserve il y a plus de 15 ans, pour revenir. Son retour, l'ouverture du casino, la volonté de vengeance d'un agent du FBI, tout cela va engendrer une série de conséquences meurtrières dans ce trou du cul du monde.
L'atmosphère rendue est celle d'un désespoir absolu. Alcool, drogue, chômage, pauvreté, c'est la vie des gens dans les réserves indiennes. L'utraviolence également, et les quelques grammes d'espoir que peut donner les tentatives de développer les lieux, même d'une manière aussi malsaine que le jeu et les filles.
Dashiel va retrouver sa mère, qui l'a abandonné pour son bien ; son ex copine, devenue une junkie nymphomane en route vers l'autodestruction ; toute un culture qu'il rejette, qu'il abomine. Il va se battre pour survivre, morfler, aimer. Vivre, en fait.
Les personnages sont ambigus, aucun n'est réellement altruiste ou pourri jusqu'à la moelle, tous sont intéressants. Entre Carol, fille de Red Crow, alcoolique droguée aux cuisses écartées pour tout ce qui a une queue, Gina la mère de Bad Horse qui tente d'exorciser un passé violent par l'activisme tribal, Red Crow le chef de tribu corrompu mais qui essaye d'adapter sa réserve aux temps moderne, Dino le jeune indien ado qui doit nourrir sa famille d'alcoolique, il n'y a pas de bien ou de mal, pas de noir ou blanc. Tout est gris, rouge et gris.
Ceux qui ont vu l'excellent Coeur de Tonnerre, avec Val Kilmer, reconnaitront dans le pitch un peu la même histoire. Car on s'inspire toujours de cette même histoire : les événements de la réserve de Pine Ridge de 1975.
Rappel : En 1975 sur la réserve lakota de Pine Ridge, à la suite d'un conflit violent entre activistes de l'AIM et les autorités fédérales, deux agents du FBI sont tués. On condamne pour ces meurtres Léonard Peltier. Quelques temps plus tard, de nombreux témoins se rétractent, disent avoir été forcés à mentir par le FBI, etc. Peltier est toujours en taule, plus ancien prisonnier politique des démocraties occidentales.
Là où Cœur de Tonnerre plaçait l'action dans l'équivalent de ces événements, apportant une fin heureuse ( l'équivalent de Peltier étant innocenté par le gentil agent du FBI qui retrouve ces racines indiennes), Scalped prend la résolution de se placer 30 ans plus tard, alors que rien n'a changé sur la réserve. Les rancœurs sont encore là, un innocent est toujours en prison, le vrai coupable court toujours. L'ouverture du casino, l'arrivée de Dashiel, la volonté de vengeance d'un agent du FBI, tout cela va ouvrir la boite de Pandore. Alors débutera une histoire de sang, de larmes et de fureur. Dashiel déteste ses racines, contrairement à Val Kilmer qui est indifférent, il les rejette, les repousse. On est pas dans l'angélisme Hollywodien, on est dans le réalisme que peuvent apporter les comics US quand ils sortent des costumes bariolés (avec l'exception de Watchmen, bien sur)
Je pense que je n'ai pas lu de roman graphique qui me remue autant depuis ma lecture de Preacher. C'est un petit chef d’œuvre, l'une des meilleurs série que j'ai lu depuis très très longtemps.En fait, maintenant que j'y repense, je dirai que Scalped est aux comics ce que The Wire est aux séries policières.
Mitakuye Oyasin, (all is related)