Cette bande-dessinée archi-primée me faisait de l'œil de puis un moment et j'ai été ravie de mettre enfin la main dessus. Mais peut-être en avais-je trop attendu, justement ? J'ai bien peur de ne pas partager l'enthousiasme collectif. Non pas que j'ai passé un mauvais moment mais disons que je m'attendais à quelque chose de vraiment plus audacieux.


Ce quelque chose d'audacieux, je me le représentais comme une œuvre ouvertement féministe porté par deux hommes, un auteur et un illustrateur. Je me disais que c'était super courageux et à la fois essentiel que les hommes portent la voix des femmes et leur ouvrent enfin une voie. Hélas, si à travers le destin de Bianca, l'héroïne principale, il est bien question de dénoncer le sort réservé aux femmes depuis la nuit des temps - en dehors du mariage point de salut ! - quelle ne fut pas ma déconvenue de constater qu'on parlait surtout... d'hommes dans "Peau d'homme".


Si Bianca a la possibilité de revêtir une peau d'homme magique, c'est moins pour ressentir les émotions ou les pensées d'un homme (comme pourtant cela semblait devoir être le cas) que pour s'initier aux jeux de la séduction. Ce qui, au départ, semblait la découverte de l'autre à travers ses différences s'est transformé en une homogénéisation/fusion des genres. La féminité de Bianca s'efface, tous ses efforts pour valoriser son sexe font chou blanc, elle est reléguée au rôle de mère-porteuse et sa seule audace résidera dans le fait de s'autoriser un amant...


Et je n'ai pas apprécié la fin. Quitte à valoriser l'homosexualité masculine, j'aurais préféré que Bianca renonce carrément à son sexe pour vivre son amour sous les traits de son avatar alors que là, on tombe encore dans le sacrifice éternel de la femme qui, par amour, va s'effacer pour laisser l'homme qu'elle aime convoler librement pour satisfaire ses "besoins". Et cela m'a semblé étrange que les auteurs cherchent à expliquer l'origine de l'homosexualité : les hommes s'aiment entre copains avec la bénédiction des philosophes antiques, et en plus les femmes sont inaccessibles, gardées sous clé par des duègnes et des juxtapositions de jupons. Est-ce que l'attirance et les sentiments - tous genres confondus - ont besoin de justification ? Dans un conte magique, est-il utile de s'en rapporter à des éléments historiques et sociologiques ?


En résumé, cette BD me laisse une impression mitigée. J'avais envie d'y trouver un peu de l'esprit des "Culottées" de Pénélope Bagieu mais j'ai glissé sur une peau de... banane. Comme quoi, on a toujours tort d'anticiper une œuvre, il faut essayer de l'aborder avec un état d'esprit vierge.

Gwen21
6
Écrit par

Créée

le 12 juil. 2022

Critique lue 66 fois

5 j'aime

1 commentaire

Gwen21

Écrit par

Critique lue 66 fois

5
1

D'autres avis sur Peau d'homme

Peau d'homme
SimplySmackkk
8

Avec contrefaçons, je suis un garçon

Certes, 2020 ne sera pas l’année qui nous laissera les meilleurs souvenirs, mais elle aura eu ses petits moments de grâce, avec des œuvres sorties en cette annus horribilis qui ont dissipé la...

le 25 août 2021

16 j'aime

2

Peau d'homme
ZachJones
7

Peau mâle du tout !

Dans « Peau d’homme », nous suivons l’histoire de Bianca, jeune bourgeoise promise à Giovanni, fils d’un riche marchand, à l’heure de la renaissance italienne. Désireuse d’en apprendre plus...

le 5 sept. 2020

9 j'aime

Peau d'homme
LouKnox
8

Critique de Peau d'homme par Lou Knox

Peau d'Homme s'engage sur une thématique qui rapporte (en surfant sur la vague féministe) sans prendre beaucoup de risques. Certains le font maladroitement, mais je dois bien avouer que cette oeuvre...

le 20 févr. 2021

8 j'aime

Du même critique

La Horde du contrevent
Gwen21
3

Critique de La Horde du contrevent par Gwen21

Comme je déteste interrompre une lecture avant le dénouement, c'est forcément un peu avec la mort dans l'âme que j'abandonne celle de "La Horde du Contrevent" à la page 491 (sur 701). Pourquoi...

le 1 janv. 2014

66 j'aime

24

La Nuit des temps
Gwen21
10

Critique de La Nuit des temps par Gwen21

Je viens d'achever la lecture de ce petit livre qu'on me décrivait comme l'un des dix livres de science-fiction à lire dans sa vie sous peine de mourir idiot. Je viens d'achever la lecture de ce...

le 15 sept. 2013

55 j'aime

10

La Disparition de Stephanie Mailer
Gwen21
1

Critique de La Disparition de Stephanie Mailer par Gwen21

Jusqu'à présent, de Joël Dicker, je ne connaissais rien ou plutôt pas grand chose, c'est-à-dire le nom de son premier roman "La vérité sur l'affaire Harry Quebert". Depuis cette parution...

le 22 mai 2018

33 j'aime

8