Le dernier volume de Planetary est enfin sorti en France!!!
On n'y croyait plus, ça faisait des mois (voire des années) que la sortie de la série majeure de Warren Ellis était interrompue chez nous alors que le dernier épisode était sorti depuis belle lurette chez nos amis anglophones.
Après une légitime frousse de ne pas en lire la fin, les francophones peuvent enfin se replonger dans la série la plus profonde de son auteur, et illustrée de main de maitre par John Cassaday qui s'est surpassé, chaque épisode répondant à une thématique scénaristique et graphique spécifique, une unité propre qu'on ne retrouve que rarement dans le monde du comics.
Oui, j'ai dit comics et pas Graphic Novel, parce que clairement, Planetary se revendique de la culture populaire, et pousse le comics dans ses limites externes sans pour autant avoir à se travestir, cacher honteusement le mot "comics" derrière l'étiquette artistiquement correcte de Graphic Novel qui a le don de me mettre en rogne, tant il pue la malhonnêteté et la volonté de donner bonne conscience aux lecteurs qui ont "fauté".
"Ah oui, j'aime Alan Moore, mais ce n'est pas du comics, c'est du GRAPHIC NOVEL, attention!"
Et bien Planetary s'impose comme une oeuvre maitresse sans avoir recours à cet artifice, ce qui force le respect.
Le pitch de départ est simple :
Elijah Snow, un homme aux cheveux blancs l'air perdu dans un costume sale errant dans le désert, est contacté par Jakita Wagner pour rejoindre l'organisation Planetary, organisation étrange aux moyens conséquents qui explore le dessous des cartes, les replis de la réalité, les anomalies, une sorte d'archéologie de l'étrangeté.
Snow maîtrise le froid (de façon moins ridicule et moins démonstrative qu'un Iceberg des X-men par exemple), Jakita est d'une force physique effrayante (sans pour autant être verte), et Le Batteur (le nom reste ridicule même après avoir tout lu) maîtrise l'information au sens large, il peut cracker un système en lui parlant ou faire en sorte que votre télé ne capte plus que du porno issu d'une autre dimension.
Donc, somme toute, une sorte de super-équipe comme on en trouve des dizaines dans le comics. Même pas spécialement haute en couleurs. Alors quoi, on repose le volume et on va lire autre chose ? SURTOUT PAS !!!!
Car ne vous y trompez pas, Planetary est sans conteste une des séries les plus importantes jamais écrite.
La trame de fond est d'une finesse et d'une richesse difficilement égalables et place Ellis aux cotés de Grant Morrison ou d'Alan Moore par exemple.
Entre références des plus inspirées à la culture populaire dans tous ses états, de Dracula à Sherlock Holmes, des films de Yakuzas à Godzilla, en passant par les univers de l'âge d'or du comics, Warren Ellis joue des références avec maestria sans pédanterie ni lourdeur, réussit à créer sa propre mythologie, et nous offre au final une relecture de l'histoire de l'humanité à travers une intrigue conspirationniste des plus excitantes dans un multivers en forme de flocon de neige, où chaque facette est un univers à part entière.
On pourrait citer des références comme Philip K Dick, ou reparler d'Alan Moore, voire glisser en cachette un Thomas Pynchon, ou encore parler de postmodernisme, vu que c'est un terme vendeur.
Mais au final, la poésie se marie avec un humour acide grinçant, les éléments de la pop culture sont pris dans une danse, et chaque épisode est un nouveau rêve qui nous fait voyager loin et nous laisse sans voix et moins stupide qu'avant sa lecture.
Et malgré une très moyenne traduction française, le seul réel défaut de cette série, c'est qu'elle soit finie.
t.
PS : Et merde, une série qui ose placer comme méchants une version nazie des 4 fantastiques mérite au moins qu'on lui donne sa chance, non ?