Au fil d'une 


autobiographie en morceaux choisis,



Olivier Ka dévoile les affres de sa relation avec Pierre, curé libertaire qui a accompagné longtemps son enfance. Derrière le drame personnel, ce sont des questions de confiance et de foi qui sont abordées le long d'un récit admirablement mené et illustré avec talent par Alfred, complice confident de l'auteur qui se livre là, en toute confiance finalement.


Le chapitrage narratif fait assurément l'efficacité du récit. Ce choix d'avancer à la mise en cases de petites anecdotes au fil des âges du personnage structure d'abord une histoire où les liens ne se feront que plus tard. Même si l'on sent doucement venir les choses, l'indicible, le découpage, la retenue et l'innocence de la voix-off toujours adaptée font le plaisir de la narration, sa fluidité. Puis il y a l'intelligence de ne pas centrer le propos sur l'agression mais d'y 


étendre la réflexion aux questions d'éducation, de confiance en l'autre, et de foi.



À une époque où certains agitent les racines chrétiennes de l'Europe, ce témoignage qui compile une sourde rage à l'encontre des menteurs qui représentent l'église et des candides qui s'y laissent embarquer a valeur de petit trésor. Sans attaque frontale, au cœur d'une trajectoire intime, profondément consciente de la meurtrissure, l'auteur nous éclaire de ses propres lumières quand aux mirages des religions. Et nous propose d'y regarder au plus clair de nos cœurs pour y entrevoir la vérité de nos humanités.



 Ils chantent « Jésus », ils chantent « Notre-Seigneur », une main
sur le cœur et l'autre dans le slip. 



Alfred illustre avec une forme de naïveté, renforçant 


l'innocence initiale que dévore au fur et à mesure l'immensité grave de décors aux pinceaux,



majestueux de mouvements et d'appétit, insatiables en nocturne, jusqu'à la froide réalité, brute, de photographies numériques sur les chemins de traverse des souvenirs dont on revient aux sources. Les personnages croqués avec tendresse s'épanouissent au fil du récit, le héros incarnant pleinement – difficile de faire autrement dans une bonne autobiographie – le propos central de l'ouvrage. Maestria graphique qui, à mon sens, place le volume au rang des romans graphiques plutôt que de la bande-dessinée.


Indispensable de la pensée sociétale contemporaine, Pourquoi J'ai Tué Pierre aborde sans détour mais avec 


une forme de tendresse étrange



et finalement justifiée le drame d'un jeune garçon trompé dans sa confiance par celui-là même qui se présente en messager de Dieu et pose avec tact et sans agressivité les toiles émotionnelles à échelle humaine. Cherche à ranimer la conscience profonde de chacun, la confiance en l'autre, malgré les difficultés, malgré les appréhensions, plutôt qu'en d'aveugles dogmes moralistes que personne ne peut suivre sans s'y perdre quelque part. Superbe graphiquement, efficace dans la narration, c'est l'essai anti-clérical qui justifie la mise à nu de l'autobiographie, et séduit le lecteur par-delà l'horreur.

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