Première époque (1914-1915) - Mattéo, tome 1 par dillinger0508
Le scénario est un peu convenu, ça commence comme Thérèse Desqueyroux - mais du point de vue de l'infortuné Azévédo - puis ça vire Un Long Dimanche de Fiançailles. On trouve un peu tous les poncifs des récits sur la Première Guerre Mondiale (l'enfer du front, la désertion, l'incommunicabilité de ce qu'on a vu, les gueules cassées) mais l'ensemble est très bien mené. La narration à la première personne forme des monologues travaillés sans tomber dans l'excès d'effets. Bref, si cela ne fait pas dans l'originalité, on ne tombe cependant jamais dans la faute de goût.
Côté graphique, en revanche, le travail de Gibrat est sidérant, à vrai dire c'est un des meilleurs dessinateurs de BD que je connaisse. Je ne sais pas comment peut être appelée cette capacité d'un auteur de bande-dessinée à dessiner des visages qui se ressemblent d'une case à l'autre. Quoi qu'il en soit, Gibrat y excelle. Ses visages légèrements caricaturaux (qui nous rappellent la "patte Disney") sont extrêmement vivants et très reconnaissables (même si, les visages de jeunes femmes tendent à se ressembler un peu). J'imagine qu'il se base sur des modèles, certains personnages font penser à des acteurs : un compagnon de tranchée est un sosie de Patrick Dewaere, tandis que l'ami aveugle de Mattéo à des airs de Gérard Jugnot. Les paysages sont riches et précis et les perspectives multiples et maîtrisées. Les couleurs de l'aquarelle, les lumières rasantes des couchers de soleil sur Collioure, sont aussi de beaucoup dans la jubilation qui nous prends en tournant les pages de Mattéo.