Zack Andersen a été placé dans un programme de protection par l'organisation Special Operation Service (S.O.S.). Cet homme est un ancien supercriminel dont le pouvoir ne s'activait qu'en présence de son jumeau qui a été tué lors d'une opération qui a mal tournée. Zack a tout balancé aux fédéraux et maintenant il étouffe dans sa vie d'employé de bureau minable. Heureusement, il a pu se procurer une substance illicite qui lui permet de passer la journée dans un brouillard anesthésiant. Mais...


Dans l'introduction, Ed Brubaker explique qu'il a souhaité rendre hommage aux pulps (magazine d'aventures publiés sur du papier de mauvaise qualité, période 1930 et 1940) et en particulier à Doc Savage et aux savant fous. Mais "Incognito" n'est pas une pale imitation : Brubaker a surtout souhaité retrouver l'atmosphère en la mariant avec des superhéros et du polar. Le résultat capture parfaitement ces 3 genres sans être passéiste pour autant, et cela d'autant mieux que Sean Philips utilise un style qui doit autant aux illustrations naïves des comics de ses années là, qu'à l'expressionisme allemand ou aux illustrations très noires de Criminal.


Ed Brubaker nous fait découvrir un nouveau monde dans lequel quelques humains possèdent des pouvoirs extraordinaires depuis une centaine d'années. Il y a les bons d'un coté et les méchants de l'autre, et surtout un criminel qui ne peut pas mourir. Zack a atterri dans le camp des criminels un peu par hasard et il se retrouve à essayer le camp des gentils, faute d'autre possibilité. Brubaker s'amuse à prendre le contre-pied du gentil infiltré chez les méchants, en prenant un méchant plongé dans le monde des gentils. Mais au-delà de cette dichotomie simpliste, il s'avère que les personnes qui côtoient Zack ont des motivations qui relèvent clairement du monde des adultes et pas de celui des enfants. À commencer par l'une de ses supérieures qui est accro au sexe avec les hommes masqués.


Brubaker évite élégamment les pièges des séries de genre en mettant en place des personnages aussi troubles que ceux de sa série Criminal. Du coup, la partition simpliste entre bien et mal devient perméable et Zack est un individu à la recherche de la vérité au milieu d'agents qui en savent tous plus que lui.


Sean Phillips effectue un travail remarquable sur cette série. Il amalgame plusieurs styles assez éloignés pour pouvoir donner une vision d'ensemble cohérente et complètement adéquate. Le fond de l'histoire qui repose sur les ressorts du feuilleton libère Phillips des longues pages d'explication et lui fournit des scènes toujours en mouvement, et même pleines d'action lorsqu'il y a affrontement. Comme d'habitude, son style repose sur des dessins fortement encrés dans lesquels les visages sont bien souvent mangés d'ombre, ce qui souligne les machinations intérieures des uns et des autres. Il apporte un soin remarquable (et remarqué par ce lecteur) aux décors qu'il s'agisse d'extérieurs lors d'une partie de pêche ou de machines diaboliques dans l'antre d'un savant fou. Les scènes d'action sont très intenses et violentes. Les scènes de bureau respirent une monotonie étouffante et impriment tout le poids du quotidien routinier de Zack. Enfin, il est évident que Sean Phillips s'est régalé à créer des personnages féminins magnifiques qu'il s'agisse d'une employée de bureau grassouillette, d'un Doc Savage féminin à l'opulente poitrine ou de la toujours adolescente Ava Destruction. Conformément à la tradition des pulps, toutes les femmes sont à la fois dangereuses et irrésistibles.


La mise en couleurs de Val Staples est aussi intelligente que sophistiquée. Il marie des couleurs plutôt sombres et uniformes avec des éclats plus vifs qui immergent le lecteur dans une atmosphère urbaine nocturne avec quelques éclats de violence rehaussés par ces flashs.


Malgré tous ces points très positifs, il est vrai qu'à la fin du tome, j'ai plus l'impression d'avoir lu l'introduction très réussie d'une série continue qu'un récit complet satisfaisant en lui-même. Le tout est très divertissant dans un ton adulte et un monde intrigant, mais la résolution finale m'a vraiment laissé sur ma faim.

Presence
8
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le 12 avr. 2020

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