A l'heure où les nouvelles séries de bande dessinées nous "racontent" le quotidien des pompiers, des fonctionnaires, des profs, des moniteurs d'auto écoles, des avatars de Wow, etc, le tout avec un dessin interchangeable option coloriage photoshop, me voir proposer Quai d'Orsay : Chroniques diplomatiques m'a fait tiquer. Encore les coulisses d'une profession ? Certes, la diplomatie c'est plus classe que la moyenne, mais vais-je vraiment y trouver quelque chose de neuf ?
Le comparse @Ico restant cependant un excellent dealer d'objets de neuvième art, je me lance sur ses conseils. Résultat, deux lectures d'affilée en une soirée, avec de VRAIS fous rires et une sensation de lire une bande dessinée allant à contre-courant de toute la production actuelle.
L'histoire débute alors qu'Arthur Vlaminck, un jeunot encore peu au fait des codes du vénérable panier de crabes qu'est le ministère des affaires étrangères se fait embaucher par Alexandre Taillard de Vorms, ministre en place, pour rejoindre son équipe commando, avec pour tâche le "Langage". Comprenez les discours. LE discours qui pourra le faire passer à la postérité et redéfinir la diplomatie moderne.
Sur la forme, le dessin, quoique surprenant au début par son côté instable et faussement brouillon, s'adapte parfaitement à la galerie de personnages mise en place. Les faciès et mimiques s'enchaînent, notre héros étant particulièrement doué dans le mimétisme quand il raconte ce qu'il vit au ministère. Le tout est vivace, avare de détails pour privilégier le mouvement et incarner l'énergie du vrai personnage principal Alexandre Taillard de Vorms.
Cet Alexandre, un Dominique de Villepin qui ne porte pas son nom, est bien l'épicentre de l'album. Grand par la taille et par les mots, plus épris qu'imbu de lui même, lyrique et romantique, irresponsable et visionnaire à la fois, habité par un feu sacré auprès duquel il est le seul à pouvoir se réchauffer, ce personnage à la présence d'un condor survolté, affublé d'un VLON qui en tous lieux d'une case le précède. A coups de Tchac tchac et de stabiloboss, il martyrise une équipe toujours en retard, enthousiaste et résignée à la fois par cette perception mouvante du monde qu'il traine derrière lui. Son passage évoquant Tintin à la rescousse de la structure d'un bon discours reste le summum de son epicness.
S'il fallait faire un reproche à cette bande dessinée, ce serait ce choix un peu curieux de mélanger réel et fiction dans les affaires du monde. Pourquoi parler du 11 septembre et dessiner Bush d'un côté, parler d'une crise du Royaume de Lousdem de l'autre ? Le personnage Taillard de Vorms étant Dominique de Villepin, le suspens est-il déjà mort où le scénario va-t-il dévier et surprendre ? Bref, chronique ou fiction ? C'est un défaut minime et bien fichu d'une certaine manière, puisqu'il me faut me procurer rapidement le second tome pour trouver ma réponse.
Une écriture fine et hilarante, un dessin aux petits oignons. Une belle surprise.
A noter que le tome 2 surpasse cet opus. Donc courrez.