Louise Joor, jeune auteure française, publie son premier album : Kanopé,
une fable écologique au plus près de l'humain
sous les cimes de l'Amazonie, une aventure passionnée où, malgré l'explosion récente d'une centrale nucléaire, la vie subsiste, nous rappelant là que longtemps après l'être humain, la nature continuera inexorablement de faire battre le cœur de notre planète. Il y a là l'intelligence fine de la modestie réaliste de notre place au sein de l'environnement et la fluidité agréable d'une narration captivante.
Autour d'un improbable couple jouant la confrontation d'une survivante esseulée de la jungle et d'un échappé de l'extérieur (cette planète surpeuplée qui se meurt du manque de ressources), Kanopé raconte la défiance primale face à la différence avant de démontrer qu'il y a toujours plus de choses qui nous rapprochent qu'il en existe qui nous divisent. Là où chacun des deux protagonistes garde quelques secrets pour l'autre, les enjeux de survie les amènent bientôt à s'écouter, à se parler, à se découvrir. À partager enfin ce qu'ils gardaient tu. Sans surprise l'amour est au bout du chemin mais Louise Joos a la finesse de ne pas en faire une fin en soi, poussant Jean et Kanopé à ne pas oublier leurs origines, leurs espoirs et leurs responsabilités d'humains, acteurs en prise directe avec l'environnement. Le conte nous offre
un voyage initiatique
qui n'oublie jamais de projeter l'humain vers ses possibles avenirs, et nous parle alors de valeurs et d'émotions universelles : le danger latent et omniprésent, l'hésitation d'agir, la confiance à accorder, l'émancipation par l'écoute de soi, le respect de l'autre et de la nature qui nous abrite, un discours essentiel pour sensibiliser nos sociétés contemporaines au plus grand défi qui nous attend.
Le dessin est délié, vivant. Ligne claire, lisibilité entraînante, montage relativement classique mais inspiré, l'auteure démontre dès ce premier album une étonnante maturité. Les portraits oscillent entre touche cartoonesque et élasticité très bande-dessinée, sans trahir le réalisme, continuant de jouer
la liberté des grands espaces
et la respiration essentielle d'un quotidien moins sauvage et moins menaçant qu'on ne pouvait s'y attendre. Les pauses bucoliques, autour de la vie qui bruisse où le couple évolue, fait la part belle à l'animalité indispensable à l'équilibre écologique : insectes déformés, transformés, flore luxuriante et colorée, oiseaux piaillant à tous les coins de case, le jeu des onomatopées incessantes fait la densité folle des décors sans jamais nous détourner de cette narration douce, sans accroc.
Une aventure presque en promenade.
Première livraison sans fausse note pour la jeune auteure française. Personnages attachants et narration fluide, s'il manque l'emballement des émotions à l'apogée d'enjeux plus creusés, plus appuyés, l'ensemble touche et le propos principal est clair, sans équivoque : il faut préserver coûte que coûte l'intégralité des diversités naturelles qui ne sont pas qu'un décor à nos existences mais bien un acteur essentiel de notre avenir et de notre santé.
L'alarme est tendre, sans urgence.
L'aventure est alors presque ludique, et la lecture de l'ouvrage accessible à tous, à l'ombre protectrice de cette Kanopé luxuriante, l'importance de la démonstration mériterait d'ailleurs d'être partagée, avec innocence et plaisir, dans toutes les écoles du globe.