Requiem - Notre Mère la Guerre, tome 4 par jerome60
Janvier 1915. Des cadavres de femmes sont déposés sur la ligne de front. Sur chaque corps, l’assassin a laissé un mot d’adieu. Les crimes ont lieu dans un secteur où est cantonnée une brigade d’adolescents délinquants envoyés dans les tranchées contre une remise de peine. Ils ont entre 15 et 17 ans, l’administration a dû changer leurs dates de naissance pour qu’ils puissent s’engager. A leur tête, le caporal Gaston Peyrac. Ces gamins font office de coupables tout désignés lorsque le gendarme Roland Vialatte arrive sur place pour mener l’enquête. Vingt après, sur son lit de mort, il raconte…
A quoi bon faire une BD sur la première guerre mondiale après Tardi ? Une telle entreprise a un sens si l'on aborde la question avec un point de vue différent. Chez Tardi, les hommes sont des victimes, ils ont été forcés de partir au combat. Kris ne voit pas les choses de façon aussi réductrice. Il veut comprendre pourquoi beaucoup ont agi de leur plein gré, par patriotisme. Surtout, il cherche à savoir comment ces hommes venus d’horizons différents ont tenu des années dans les tranchées et ont pu s’étriper comme des chiens enragés avec des gars qui ne leur avaient rien fait. Son propos insiste également sur la solidarité qui leur a permis de supporter l’enfer, qui les a poussés à risquer leur peau pour des types qu’ils connaissaient à peine, à faire pour eux des choses qu’ils ne feraient pas pour leur propre famille.
Notre mère la guerre vous prend aux tripes. La crudité du conflit est montrée dans toute son horreur. Kris gratte jusqu’à l’os pour démontrer que chacun possède en temps de guerre un potentiel de cruauté et de destruction absolument sans limite. Une sorte d’inhumanité qui reste envers et contre tout le propre de l’homme… On pourra sans doute reprocher à cette série son coté trop bavard. Personnellement, je pense au contraire que cette abondance de mots donne à l’ensemble un aspect littéraire remarquable.
Niveau dessin, on est dans le haut de gamme. Maël parvient à dessiner l’indicible. Son trait puissant restitue la laideur et l’étrange beauté de la guerre. Il joue des cadrages plus ou moins serrés pour décrire la souffrance sans sombrer dans le romantisme ou le film d’horreur. Les planches, réalisées en couleurs directes, sont tout simplement magnifiques. Toutes sont traversées par différents tons de gris. Cette absence de luminosité renforce le coté crépusculaire de l’ensemble.
Point de salut, point d’espoir, point de lumière. Après trois complaintes, il est temps de conclure le récit par une dernière prière, un requiem pour le repos des âmes. Tout simplement sublime.