Cet opus est très bon en lui-même, mais il se comprend surtout à l'aide de l'exposition qui allait avec. Si on retrouve bien une bonne BD de SF façon Schuitens & Peeters, il s'agit en fait d'une véritable critique architecturale sur l'évolution de Paris et de l'urbanisme de grandes métropoles.
Tout y est traité avec une rare justesse : les villes basses et hautes, le rêve de la ville vue d'avion, les plans Corbuséens qui «laisse de la place au sol», le centre ville muséfié, rêvé, la métrépole qui n'est plus que flux de mobilité et d'information (pourquoi se déplace-t-on au fait ?), les populations séparées, etc., etc., etc.
Derrière tout cela, des références à tous les architectes, urbanistes, utopistes, qui ont modelé les visions de Paris, de l'éléphants des Misérables à Saclay. Il ne s'agit pas du Paris existant, mais bien de celui que «les grands» dessinent… et que «les petits», subissent. On retrouve ici le fait que les auteurs sont non seulement de formation d'architecte, mais qu'ils en sont parmi les plus grand critiques et analystes vivants. Cette critique est livrée à travers un voyage, un rêve perdu, qui s'avère être un medium très efficace.
Et là où la BD tape très fort, c'est dans la critique—unique à ma connaissance—qu'elle pose à travers une question : quand est-ce que je remettrai les pieds sur terre ? Vaisseaux spatial, rêve, bateaux, ponts d'immeubles en immeubles, voyages et zepplin… et la rue dans tout ça ? Et le sol de Paris ? Le rêve Parisien c'est vraiment de ne plus se promener dans la rue ?
Si vous pouvez, procurez-vous l'édition avec le bouquin de l'expo, qui compare les planches aux différents projets pour Paris. Cela permet de se rendre compte à quel point le volume fait référence à l'urbanisme, et surtout à quel point il est critique envers ces projets.