Urban Comics a eu une excellente idée en proposant d'unir The Gauntlet et Robin Year One dans le même tome. Ça semble évident dit comme ça, mais c'est en réalité la meilleure expérience possible pour le lecteur. En effet, Year One est une suite plus ou moins direct de The Gauntlet et quelques précieuses informations vont, sinon, manquer au lecteur.
En soi, ce tome est déjà une suite. Une suite plus ou moins assumée à Dark Victory de Loeb et Sale. Les Grayson Volants viennent de mourir, Dick a rejoint Bruce dans sa croisade contre le crime. Robin n'est pas encore tout à fait Robin, l'entraînement est terminé, il doit devenir digne d'être présent sur le terrain. On notera juste que Scott Beatty et Chuck Dixon, au scénario de Year One montrent peu de lien avec le Double-Face d'Amère Victoire. On peut donc se demander jusqu'à quel point la suite est présente.
Les deux récits se ressemblent autour qu'ils sont différents. Sur le plan visuel, c'est les planches grandioses de Lee Weeks qui ouvrent la danse. Sombre, ténébreux dans le trait, avec un réalisme qui n'oublie pas le côté figuratif du comics. Un style parfait qui marque toute l'influence d'auteurs comme Miller tout en ayant une âme propre. On est dans ce que le comics peut offrir de mieux dans son genre : être proche de la réalité sans jamais perdre son âme imaginaire. Javier Pulido choisit quelque chose de totalement différent pour Year One avec un style beaucoup plus comicsesque si l'on peut dire. Marquant un lien avec l'époque bénie du Silver Age et Darwin Cook, Javier Pulido a pour autant des influences communes avec Weeks pour le côté iconographique. On est dans une suite qui même en étant différente assume l'influence comics, l'influence jeunes années.
En effet ce sont les jeunes années de Dick Grayson sous le costume de Robin que l'on voit là. C'est un moment fort que l'on ne peut se permettre de survoler et on retrouve à la fois un ton crédible, digne de l'époque contemporaine et une volonté de retrouver cet imaginaire bariolé, mouvementé et lumineux des années 50 et 60.
Que ce soit Bruce Canwell sur The Gauntlet ou Beatty & Dixon sur Year One, les trois auteurs cherchent à mettre en avant ce côté lumineux, joyeux de Dick. Ils veulent montrer que pour lui être Robin n'est pas une obligation, que c'est un choix, un plaisir et une nécessité morale avant d'être une nécessité psychologique comme pour Bruce. Le personnage est totalement montré en opposition d'un Bruce et d'un Alfred qu'il contamine avec sa joie de vivre. Alfred sert pour le lecteur à poser les questions et montrer l'évolution annoncé du personnage. On regrettera de ce côté là le seul point faible du récit pour moi, dans Year One : on a trop une mise en avant des limites du duo Batman/Robin qui semble ainsi condamné à mort dès ses premiers mois et avec une rupture de personnalité Bruce/Dick bien trop rapide. Finalement c'est aller bien vite en besogne que de montrer que dès le début le duo dynamique était voué à échoué. On regrettera également le personnage de Double-Face, lorgnant parfois trop vers un Joker. Le personnage n'est pas mauvais pour autant mais il exagère le temps de quelques cases.
Voilà pour les défauts bien rares de ce tome.
À côté de ça on prend un plaisir total à lire ces récits qui marquent les débuts de Batman. Le récit, oscillant entre aspect mafieux et présence de bat-vilains permet de garder ce même ton qu'Un Long Halloween de Loeb/Sale. On a cette évolution de Gotham qui apparaît sous nos yeux. Le monde paraît très juste à chaque zone : commissariat de police, fête mondaine, réunion de mafieux, école publique.
Chaque personnage est écrit avec une justesse absolue et on appréciera particulièrement Gordon qui n'échoue pas à plaire. On appréciera également les quelques clins d'œil qui parsèment l’œuvre.
Robin Year One se voulait être un récit sur les origines de Dick en tant que Robin. Le résultat en est un des meilleurs récits sur le personnage et un excellent titre de la Bat-Family. On est dans un comics qui devrait être lu pour tous les amateurs de Batman Year One ou Un Long Halloween tant l'ambiance s'y retrouve. Un franc succès pour un excellent comics trop peu cité à sa juste place.