Les BDs de la miqothèque - Seconds

[Ce billet et les autres billets de la miqothèque n'ont pour vocation qu'à partager mes sentiments sur les œuvres en question. Il ne sera présenté ici qu'un avis et un ressenti subjectifs, bien loin de l'esprit critique que je souhaite mettre en avant d'ordinaire. Merci.]

Comme beaucoup d'autres, j'ai appris à connaître Bryan Lee O'Malley à travers sa série de BD Scott Pilgrim. A ce jour, elle compte comme l'une de mes œuvres préférées tout média confondu, c'est dire l'estime que je porte à ce monsieur. Dessin, narration, univers, j'ai littéralement été conquis devant ce petit bijou en six volumes. Alors forcément, j'attendais avec impatience la sortie de son prochain livre. Impatience, mais aussi appréhension, car le fan en moi s'attendait presque à subir les foudres de la déception, après avoir tant glorifié les aventures du blondinet geek.

Seconds, c'est aussi mon premier roman graphique. A travers ce format qui m'était jusqu'ici inconnu, j'ai découverts un nouveau monde, une croisée des chemins entre mon amour pour la BD et celui pour les romans. Traitez moi d'ignare si vous le voulez, mais c'est avec ce tome que j'ai pris conscience que la BD pouvait raconter autrement, tant sur la forme que sur le fond.

Katie, notre héroïne, est cheffe cuistot dans un restaurant, le Seconds. Elle mène une vie intense et bien remplie en compagnie de sa bande d'amis, a des projets pour le futur et semble avoir à la fois le caractère et le talent pour les mener à bien. Bien entendu tout n'est pas parfait non plus, entre les petits tracas du quotidien et une relation amoureuse mal terminée pour ne citer que ces deux problèmes. A l'occasion d'un accident, Katie fait alors la rencontre de Lis, un « esprit de maison » qui lui donne un mystérieux champignon capable de lui donner une seconde chance. Elle y voit la possibilité de résoudre tout ses problèmes.

Qui n'a pas déjà rêvé de pouvoir remonter dans le temps ? De pouvoir changer de voie ? De prendre une autre décision ? Seconds est un livre qui nous questionne sur notre capacité à faire des choix et sur ce que nous considérons comme étant les « bons ». Seconds nous parle de nos regrets et de la peur que nous avons à faire des erreurs. Katie, que son quotidien nous soit familier ou non, nous apparaitra forcément comme un miroir de nos propres doutes. A la fois drôle et sérieuse, cette histoire a su me toucher au plus profond de mon être. Peut-être que le sujet me tient particulièrement à cœur, encore que j’ai trouvé toutes ces questions assez universelles, surtout dans un monde qui glorifie autant le parcours et la réussite des individus.

L’ouverture sur le fantastique à travers le personnage de Lis nous offre également à voir un lien plus « naturel » avec notre environnement. Vous allez me dire qu’aujourd’hui le thème est devenu assez commun, mais pour l’époque c’était loin d’être évident. J’ajouterai que la morale n’est pas vraiment « écolo » - bien que l’idée de recyclage puisse y faire écho - mais plus en rapport avec « l’âme » qui imprègne les lieux et les objets qui nous entourent. Encore une fois, dans un monde de surconsommation où nos poubelles débordent, le retour à une connexion plus intime à notre entourage est plus que bienvenu.

Évidemment si les sujets abordés ont su titiller ma corde sensible et que l’humour pilgrimien fait toujours mouche, j’ai pris autant de plaisir à dévorer des yeux les dessins et le découpage des cases. J’imagine que certains pourront trouver le trait grossier, mais j’apprécie grandement ce style hybride entre manga et BD occidentale. Les couleurs terminent d’apporter un cachet de mignonitude au rendu, en même temps qu’elles sont porteuses de sens en fonction des scènes et des ambiances.

Seconds va bientôt fêter ses 10 ans, mais mon amour pour ce livre ne faiblit pas. Je le ressors toujours avec beaucoup de plaisir et je ne peux que vous conseiller sa lecture. Même si je veux bien admettre que ma passion pour lui est lié à ma propre expérience (la saveur de la nouveauté couplée à une sympathie pour les titres de l’auteur, ainsi que les thèmes abordés), je suis persuadé que ce roman graphique vaut le détour.