Serge - Magasin général, tome 2 par Eric17
Récemment, j'ai décidé de me plonger dans la lecture de « Magasin général ». Cette série co-écrite par Régis Loisel et Jean-Louis Tripp est actuellement composée de sept albums et n'est pas encore, à ma connaissance, terminée. Il y a quelques jours, j'ai lu le premier tome intitulé « Marie ». Cette lecture m'a procuré beaucoup de plaisir. C'est ainsi que je me suis plongé dans la découverte du second album intitulé « Serge ». Toujours édité chez Casterman, cet ouvrage est de qualité en tant qu'objet. Il est agréable au toucher. L'histoire s'étale sur soixante-dix pages. Cela dépasse la moyenne habituelle de ce genre de bouquin. Son prix avoisine les quinze euros et sa première parution date de deux mille six. La couverture nous présente un personnage jusqu'alors inconnu qu'on suppose être le Serge du titre. Il chevauche une petite moto jaune dans un paysage enneigé. Il semble attiser la curiosité d'un petit chiot situé en bas à droite de l'illustration. Il ne me restait plus qu'à m'immerger dans les premières pages pour savoir plus sur ce nouveau protagoniste...
Le fameux Serge est présenté avec les mots suivants sur la quatrième de couverture : « Ca fait qu'à c't heure, il est rendu indispensable. Parait qu'on peut plus tuer un cochon sans lui... Comme disait mon oncle Isidore : quand les chiens sont dans l'bois, le renard entre dans le poulailler. Dans la vie, j'ai peut-être pas appris grand-chose, mais je connais les hommes et je pense ben qu'avec ce grand escogriffe-là, vous êtes sur le bord de vous faire enfirouaper. Et toi, Marie, toi... Tu as les yeux qui brillent... »
L'histoire se déroule dans la campagne québécoise des années vingt. On ne quitte jamais le village de Notre-Dame-des-Lacs. L'intrigue du premier tome, à l'image de son titre, s'était construite autour du personnage de Marie. Cette femme a le cœur sur la main. On avait assisté au décès de son mari. On la voyait essayer tant bien que mal continuer à gérer le magasin général qui est un lien primordial des paroissiens avec la ville. Car le village est reculé et ses habitants forment une communauté qui fonctionne en vase clos. L'album initial se terminait par le départ des hommes, comme tous les ans à cette saison...
Lors de la dernière planche de « Marie », on voyait cette dernière secourir un homme dont la moto semblait être en panne. On ne le voyait que de loin. Maintenant que j'ai lu ce deuxième tome, cette rencontre s'avère bien peu anecdotique. En effet, Serge, car c'est de lui qu'il s'agissait, va transformer la vie du village durant cet hiver et particulièrement celle de Marie. Les hommes ne sont pas là. Il n'y a plus que les femmes, les enfants, les anciens et le curé. Serge amène donc une touche de nouveauté qui révolutionne le quotidien routinier de la communauté. Il va égorger le cochon, ouvrir un restaurant, organiser des courses de luge. Il apparait comme celui qui cherche à transformer la morosité et les difficultés de tous les jours en moments de magie et de rire. Il semble être l'altruisme. On en apprend peu sur lui mais on apprécie ses actes. Evidemment certains s'offusquent de voir un étranger prendre autant de lumière. De plus, sa relation avec Marie choque les plus puritains. Pour résumer, Serge est un ouragan dans ce petit village et le voir dépenser son énergie pour autrui nous offre une lecture très agréable.
La richesse de « Magasin général » réside dans ses personnages. En effet, on a une unité de lieu qui fait que notre univers se compose d'une dizaine de bicoques, d'une forêt et d'une rivière. Pour l'instant, on n'en est pas encore sortie et cela n'a pas l'air à l'ordre du jour dans l'immédiat. Le plaisir de notre lecture réside donc par ce que peuvent dégager ses habitants. Le talent des deux auteurs fait qu'on est conquis par tout ce petit monde. Il est évident qu'on succombe aux charmes de Marie. Mais ne vous méprenez pas. On ne succombe pas à ses charmes physiques ou à ses courbes à tomber. On succombe à sa gentillesse, sa douceur, son altruisme. Elle fait partie de ces gens qu'on ne peut qu'aimer. Sa perfection humaniste pourrait irriter certains. Personnellement elle m'a touché. Bien qu'étant le personnage central, elle ne vit pas seul. Chacun trouvera son chouchou parmi les différents habitants du bourg. Personnellement, j'ai beaucoup d'affection pour Gaëtan, le simple d'esprit au cœur d'or et beaucoup de sympathie pour ce curé aux multiples talents. Evidemment, on n'est pas dans le monde des Bisounours et tout le monde ne pense pas à autrui avec empathie et affection. Certains personnages déclenchent moins d'empathie mais sont indispensables à l'équilibre de la narration. Je ne vous ferai pas de listing des différents protagonistes. Le plaisir réside dans le fait de les découvrir au fur et à mesure que les pages défilent et que les albums paraissent.
Le dessin de Tripp et Loisel participe évident à l'atmosphère envoutante de ce village et ses habitants. Au cours de notre lecture, on a vraiment le sentiment d'être transposé au beau milieu de Notre-Dame-des-Lacs. L'immersion est totale et notre plaisir est vraiment intense. La dimension hivernale de « Serge » accentue ce dépaysement et permet aux auteurs de nous offrir des paysages splendides. On ressent le froid. On apprécie la chaleur dès qu'on rentre profiter d'un bon repas près d'une cheminée quand la nuit tombe. Cette sensation est fortement dégagée par les pages de notre lecture. Les couleurs ne sont pas trop vives et participent à la douceur de l'ensemble. Il s'agit incontestablement d'un vrai travail d'artiste...
En conclusion, je suis sorti charmé de la lecture de cet ouvrage. Je trouve qu'il se dégage un vrai quelque chose de cette histoire. Les personnages, les lieux... Pourtant l'intrigue est loin d'être remplie de de retournements de situation ou d'événements générant des scènes d'action endiablées. Je trouve cette série très originale et « Serge » confirme la première impression laissée par « Marie ». J'ai donc hâte de me plonger dans le troisième tome intitulé « Les hommes ». Mais cela est une autre histoire...