Silence se passe dans la cambrousse des Ardennes : on en sent toute la pesanteur et le froid, par ce noir et blanc profond et dense. Les images ventent et rappellent le plaisir des livres d'images monstrueux de l'enfance. L'enfance éternelle pourrait être le thème de cet album : enfance qui se heurte sans cesse à ce qui fait grandir, à ce qui accroche, à ce qui blesse, pour que jamais le destin ne nous comble ou n'aille là où il le devrait.
Rien en ce monde n'est dû, ou ne "devrait" suivre un sens logique. Mais difficile de ne pas croire qu'il existe un ordre au monde, des arcanes, ataviques, mystiques, qui contrôlent nos pauvres destins vers l'inéluctable... combattu sans cesse par l'enfant, le Saint en nous, le gentil de série B pour bastonner le méchant et se prouver qu'il y a du sens, une justice.
Poignant, triste, beau et sombre, ce conte aux allures fantastique chante la fable des rouages cruels de nœuds qui ne savent pas se défaire... sur une toile rurale de magie et de gitannerie.
Inextricable, sauf pour celui qui vaut mieux que cela, sauf pour l'enfant qui n'oublie pas de lire le sens caché de la fable et d'emmerder le monde à vouloir connaître toujours la suite de l'histoire... qui n'est que beauté et injustice sans fin.