Immergé au beau milieu d'un danger diffus

Ce tome contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2015, écrits par Robert Kirkman (le scénariste de Walking Dead), dessinés et encrés par Paul Azaceta, mis en couleurs par Elizabeth Breitweiser. La lecture du premier tome est indispensable pour comprendre ce qui se passe et qui sont les personnages.


Après sa rencontre avec Sidney, le révérend Anderson panse sa blessure, en forme de pentagramme sur son torse, alors que Sidney expectore ses poumons à l'extérieur. Le lendemain, Allison (l'ex-femme de Kyle Barnes) prend un verre avec Megan Holt (la sœur de Kyle Barnes). Après, Megan décide de rester un peu pour dire sa façon de penser à Donnie un ancien camarade de classe de Kyle.


Quant à lui, Kyle Barnes décide se rendre chez Roger & Betsy pour voir comment se porte leur fils Joshua. Puis il se rend chez le révérend Anderson pour lui indiquer qu'il accepte de le seconder ce jour-ci. Première étape : rendre visite à Brian que sa femme Karla a quitté. Ce dernier n'apprécie pas d'être touché par Kyle. Puis direction Charlestown, pour rechercher une fugueuse Sherry.


Avec ce deuxième tome, le lecteur est de retour dans cette région de Virginie, et dans cette petite bourgade. Paul Azaceta représente de manière convaincante un urbanisme très étalé conçu pour la voiture, avec des maisons individuelles à un étage, des intérieurs meublés avec du mobilier bon marché, mais bien agencé, une station-service tout ce qu'il y a de plus ordinaire. La séquence se déroulant à Charlestown montre un urbanisme plus dense, et des constructions à plusieurs étages. Dans les 2 localisations, les fils électriques zèbrent le ciel en arrière-plan.


Le lecteur retrouve les personnages du tome précédent, ce qui lui permet de commencer à identifier ceux qui sont récurrents. Il est possible de reconnaître Megan Holt (la sœur de Kyle), Mark (son mari) et Holly leur fille. Il y a également la famille composée de Roger, sa femme Betsy et leur fis Joshua, Allison (l'ex-femme de Kyle) et leur fille Amber, Donnie (l'ex camarade classe de Kyle), Luke Masters (l'inspecteur de police), Sidney (le nouveau méphistophélique), Mildred (la femme âgée et revêche), Brian que l'épouse Karla a quitté, Sherry qui a fugué et abandonné son père Roy. Le lecteur doit faire un petit effort pour mémoriser cette vingtaine de personnages car ils peuvent n'apparaître que le temps d'une séquence et n'être définis que par une caractéristique physique.


Les traits un peu pâteux et lâches du dessinateur donnent assez de personnalité à chaque protagoniste pour qu'il soit possible de les reconnaitre facilement, mais la rencontre de certains ne laisse pas forcément de souvenir impérissable (par exemple Donnie). À force qu'ils soient majoritairement mystérieux, ils en deviennent peu consistants. Le lecteur peut se lasser des sous-entendus du révérend Anderson qui ne semble en fait pas comprendre grand-chose, et dont la foi ne se manifeste que par les prières qu'il adresse à haute voix à Dieu. Le comportement un peu paumé de Kyle Barnes fait que le lecteur a du mal à ressentir de l'empathie à son endroit. Difficile de compatir à son abattement, à son attitude de chien battu face à son ex-femme (surtout que Kirkman n'a toujours pas révélé ce qui s'est réellement passé entre eux), ou à sa façon de tourner autour de sa fille au risque de lui causer encore plus de peine.


Cette séquence où Barnes se retrouve devant la maison de son ex-femme est rendue d'autant plus pénible qu'Azaceta la dessine avec pragmatisme, sans en rajouter dans les effets larmoyants ou romantiques, sans oublier les arrière-plans. Le lecteur ressent les émotions des personnages, et il constate également leur manque de maturité. Il a l'impression d'être assis à côté d'eux, et de devoir subir leur indécision d'une manière assez pénible.


Difficile dans ces conditions de s'attacher aux personnages. Le lecteur reporte alors son intérêt sur l'intrigue. Le résultat n'est guère plus probant. Il avait bien compris dans le premier tome qu'il y a une histoire de possession de certains habitants, sans trop savoir ce dont il retourne, ou en connaître grand-chose la nature de l'entité qui rôde. Il en apprend un tout petit peu plus dans ces 6 épisodes, mais pas beaucoup. Il voit Kyle Barnes se démener pour essayer d'additionner 1 et 1, avec une lenteur d'autant plus désespérante, que les personnages autour de lui ne connectent pas grand-chose non plus. Arrivé au bout de ces 6 épisodes, il se demande si l'intrigue a vraiment avancé. Certes, il faut bien que les auteurs fasse le tour de tous les personnages, et développent progressivement la relation entre Kyle Barnes et le révérend Anderson, mais cela n'apporte pas beaucoup d'éclairage sur leur personnalité respective (et cela n'empêchait de faire avancer le reste).


Malgré tout au bout de ces 6 épisodes, le lecteur constate également que cette lecture peut s'avérer prenante. Il y a le travail remarquable d'Elizabeth Breitweiser qui intensifie les ambiances, avec une palette assez sombre et glauque, renforçant le malaise des situations en phase avec le rythme du récit. Elle choisit avec une grande perspicacité quand appliquer une couleur uniforme, et quand introduire des nuances dans une même teinte. Elle le fait avec discrétion, et complète les dessins de manière admirable.


Ensuite, le lecteur se retrouve saisi par certaines scènes. D'un côté, il sent bien que Robert Kirkman n'est pas pressé de raconter son histoire, car elle est déjà en développement (à l'été 2015) en série télé. De l'autre côté, il voit que le manque d'efficacité des personnages les met dans des situations malsaines, sans qu'il soit besoin de rajouter des gros monstres baveux. Lorsque le révérend Anderson applique maladroitement un pansement sur sa blessure en pleurant en continu, le lecteur sourit devant la représentation un peu appuyée de ses larmes, par contre il compatit devant cet homme d'une quarantaine ou cinquantaine d'années vivant seul, et devant trouver le courage de prendre soin de lui après s'être fait agresser. À nouveau les dessins simples et prosaïques de Paul Azaceta montrent toute la détresse de cette solitude, et la marque infamante que représente cette blessure.


Le dessinateur représente avec sensibilité les postures des individus se faisant face, avec une légère gaucherie pour montrer le malaise intérieur qu'ils éprouvent, leur manque d'assurance, leur forme personnelle de culpabilité. Azaceta montre des individus pas accablés, mais alourdis par le poids de leur banalité, et de quelques erreurs plus ou moins ordinaires.


Arrivé en milieu de tome, le lecteur reste bouche bée devant une scène angoissante. Le révérend Anderson conduit son véhicule, avec Kyle Barnes comme passager et ils discutent de leur situation. Ils s'arrêtent pour faire le plein à une station-service. Sorti pour se dégourdir les jambes, Barnes jette un coup d'œil autour de lui et prend conscience de la situation inconfortable dans laquelle il se trouve, en rapport avec la conversation précédente. Ces pages sont muettes, il n'y a pas de gros monstre à proximité, ou de tueur prêt à frapper. Pourtant cette scène normale porte une angoisse palpable d'un danger diffus, avec une force extraordinaire. Ainsi sans effet spéciaux, sans manifestation surnaturelle, les auteurs réussissent une poignée de scènes d'une intensité à couper le souffle. C'est dans ces moments-là que la série trouve sa raison d'être.


Avec ce deuxième tome le lecteur est bien embêté. L'intrigue avance à un rythme d'escargot. Les protagonistes ont bien du mal à exister, avec des personnalités embryonnaires. En outre, ils ne sont pas très attachants, que ce soient les victimes sans épaisseur, les personnages principaux inefficaces et perdants sans éclat. Les dessins de Paul Azaceta sont tellement prosaïques qu'ils peinent à assurer le spectacle. D'un autre côté ces mêmes dessins montrent avec fidélité un quotidien des plus banals, où l'étrangeté n'en ressort qu'avec plus de force. Ils transcrivent le malaise des personnages avec une rare efficacité, qu'il s'agisse d'un face-à-face gêné, ou d'une d'un subtil décalage dans une situation autrement très normale. Le travail sur les couleurs nourrit discrètement ce malaise diffus. Arrivé là le lecteur se dit que cette série est partie pour être diluée parce qu'elle ne sert que de proposition justificative pour une série télévisée, et que le nombre de révélations sera toujours faible de tome en tome. Mais il est aussi possible que les auteurs affinent leur narration et que le poison distillé se fasse plus virulent. Au final, il a bien envie d'attribuer le bénéficie du doute, et de revenir pour un troisième tome, celui de la dernière chance, en fonction de sa tolérance et de sa patience.

Presence
7
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le 27 sept. 2020

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