Un chasseur sachant chasser
Autant y aller franco : nous sommes face à une perle de l'univers Spider-man. En effet, Kraven's Last Hunt est tout simplement un diamant au royaume des saphirs, c'est Frodon chez les hobbits, San Goku sur terre ou encore Tool à la Nouvelle Star, c'est du rêve dans un environnement de qualité (pour ce détail, le dernier exemple est loupé, je m'en excuse) !
La Dernière Chasse de Kraven est une histoire en 6 chapitres, publiés en octobre et novembre 1987 dans les 3 mensuels de l'époque : Amazing Spider-man, Spectacular Spider-man et Web of Spider-man. C'est une fresque, publiée de manière très rapide donc, et qui sort tout droit de l'esprit e DeMatteis. Franchement, à l'époque, même si il fallait acheter trois singles par mois pour avoir l'histoire complète, au moins, on avait rapidement quelque chose de qualité ... Je ne peux que faire la gueule quand je vois que je viens de finir la série Static Shock de 2011 de DC et que bon, merde, en 8 numéros j'ai eu que un truc franchement moyen... Ou alors Damian, son of Batman, pareil quoi, 4 mois pour avoir déceptions sur déceptions ... Mais je m'égare !
Dans La Dernière Chasse de Kraven, Spider-man, tout juste marié à Mary-Jane va devoir combattre le fameux chasseur russe, prêt à en découdre une dernière fois ... Mais attention, pas comme d'habitude. En effet, pour retrouver son honneur, Kraven ne doit pas se contenter de vaincre Spider-man en combat, il doit lui être supérieur, il doit prouver qu'il peut être meilleur que Spider-man ... Qui a dit Supérieur ? (Et oui, Superior Spider-man n'est qu'un récit parmi d'autres qui a été influencé par Last Hunt).
Le récit va avoir la particularité de prendre le point de vue, le plus souvent, de Kraven. Le méchant va alors gagner ses lettres de noblesses avec un récit sur sa famille, son père, symbole d'honneur, sa mère, qu'on disait folle et qui se serait suicidé. Il voit en Spider-man sa Némésis, l'incarnation de ce qui entraine le monde (et sa tendre Russie natale) à sa perte. Qu'on soit capitaliste ou communiste c'est la perte de valeurs que reproche Kraven.
Et pourtant, il reconnait à Spider-man (comme à Vermine) bien des qualités : ils sont beaux ... Car ils sont forts. La puissance, l'intensité de leurs existences leurs donnent des droits. Ce rapport si étrange entre Kraven et Spider-man nous apparaît enfin grâce à ce point de vue interne d'une narration si spécifique. Nous comprenons enfin ce que représente l'homme-araignée pour Kraven, nous comprenons la complexité des émotions qui ne se limitent pas à la haine. Non, il y a du respect, de la crainte et même de la tendresse.
DeMatteis a la bonne idée d'alterner les narrateurs, proposant également au lecteur de découvrir ce que vivent et pensent Mary-Jane, Vermine (un ennemi anecdotique présent dans cette histoire) et Spider-man him-self. On a aussi le droit à toute une shamanisation, une représentation sous forme de totem ...
La mort est présente, omniprésente même. La puissance des phrases, des répétitions nous permettent de comprendre les multiples détails psychologiques que je ne raconteraient pas ici.
La Dernière Chasse de Kraven est d'une force inouïe et ne laisse pas pleinement comprendre avec une ou deux lectures. Il faut insister pour percer ces nombreux mystères tant le récit a bien été construit. Certes, le dessin de Mike Zeck reste dans la moyenne de l'époque et on peut regretter que ce n'ait pas été un McFarlane qui s'en occupe, mais ça reste très beau. Certes, visuellement on est encore dans du classique, mais nous ne sommes qu'en 1987 ... Et ce récit va influencer tant de grands auteurs ... Alan Moore pour Killing Joke (1989), McFarlane pour Tourment (1990), qui s'annonce comme une réponse directe à Last Hunt. Même de manière plus récente, j'ai parlé de Superior Spider-man, mais comment ne pas voir dans certaines scènes de La Cours des Hiboux (2011) de Batman, des références, ou du moins, des influences de cette Dernière Chasse de Kraven ... Qui est la plus marquant.