Peter accumule les gaffes et les ratages. On en est à se demander s'il aura acquis, en fin de cycle, la maturité nécessaire pour faire un héros passable, conscient de ses intérêts bien compris, et d'une sociabilité tant soit peu potable. Ces enjeux sont d'autant plus importants que Peter est lourdement menacé par un blocage à l'état d'enfance. S'il y reste, il trahit la condition commune qui est de grandir. S'il devient adulte, il se trahit lui-même, en tant que Peter Pan.
Par exemple, Dakoma, la gamine indienne sexy connue sous le nom de « Lys Tigré », déclare vouloir Peter devant toute sa tribu. L'abruti refuse. Résultat : il brise le coeur de la fille, et se met à dos toute la tribu parce que ce refus est une insulte. Belle réussite. Tout ça parce qu'il ne veut pas entendre parler de sexualité ?
Autre exemple : rouler Crochet en lui donnant les (vrais ?) trésors qui gisent çà et là dans les épaves, afin que le pirate fiche le camp et ne touche pas à ce que les habitants de l'île ont de plus précieux : leur survie dans la mémoire des enfants et des hommes au coeur d'enfant. Le développement de cette entreprise, un peu long, débouche sur une tempête où Crochet rencontre Peter, qu'il croyait mort. Crochet blesse gravement Pan, le compagnon de Peter.
Et là, couronnement des inconséquences du héros : pour soigner Pan, Peter va chercher de quoi le soigner à Londres par la grâce de la magie de Clochette. Le bon Monsieur Kendal est à l'article de la mort et, au lieu de faire le plus vite possible pour sauver Pan, Peter perd un temps fou à chercher ses copains (les Enfants Perdus) et à vouloir revoir sa mère, qu'il trouve en la compagnie de...
Ce gosse perdu n'a plus ni le feu ni l'abnégation qui en font un héros. Il ne cherche pas à surmonter ses propres manques. Sa bonne volonté est assez bornée. Il présume du bon vouloir et de la présence de Clochette, qui n'est pas toujours là quand il en aurait envie. C'est le problème avec toutes les femmes, en général. Revoir son dragon de mère après avoir refusé la déclaration de Dakoma n'est pas très cohérent. Il s'est engagé aussi bien à faire quelque chose pour sauver Pan que pour retrouver ses copains de Londres. On doute que ce programme puisse être tenu.
Entre Poteline, la sirène bien nommée, et Clochette qui se délecte de ses bas en peau de guêpe (dont il est assez exact qu'ils la boudinent, comme dit une sirène), les filles ne sont pas toutes de rêve, et on ne parle pas de la mère de Peter. Belle scène de plongée pour chercher des coffres au trésor (planche 27). Atmosphères intéressantes à Londres avec les façades écaillées de briques et les intérieurs revêtus de planches (planches 40 à 42, 52 à 54).