Ce tome fait suite à DEADLY CLASS Tome 5 (épisodes 22 à 26) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome pour pouvoir comprendre les liens unissant les personnages. Il comprend les épisodes 27 à 31, initialement parus en 2017, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Wes Craig, mis en couleurs par Jordan Boyd. Il contient les couvertures originales de Wes Craig ainsi que les couvertures variantes réalisées par Toby Cypress, Vanesa R. del Ray, Andrew Maclean, Brian Level, Ed Luce, Daniel Warren Johnson.
Le 2 novembre 1988 à Tokyo, Saya Kuroki est couchée dans son lit, dans l'appartement de sa mère. Celle-ci lui a apposé des bandages, et lui parle. Elle lui dit que la plupart des choses arrivent pour une raison. Saya se rappelle quand elle était enfant en présence de son père et de monsieur Eto, ce dernier évoquant l'arrière-arrière-arrière-grand-mère de Saya et le fait qu'elle est morte pendant un siège en maniant un katana. Elle l'interroge sur le statut social des yakusas. Monsieur Eto répond qu'ils sont des gangsters, mais aussi qu'ils font partie intégrante du tissu social du quartier. Ils réalisent des activités criminelles, mais dans le même temps ils protègent les gens du quartier, de ces mêmes activités. La jeune Saya indique à monsieur Eto qu'elle veut rejoindre leur clan. Le père de Saya lui fait observer que le clan est essentiellement composé d'hommes, et qu'il ne souhaite pas avoir à payer pour les erreurs de sa fille. Keni, le grand frère de Saya, fait irruption dans la pièce et interrompt la conversation. Il demande aux deux yakusas (son père et monsieur Eto) de reconsidérer leur position sur la possibilité pour le clan de se livrer au trafic de drogues. Ils y sont toujours opposés, ne voulant pas participer à la destruction de leur quartier en y vendant de la drogue. Kenji sort en faisant un esclandre.
Saya suit Kenji dehors et lui indique qu'elle a une idée pour se faire de l'argent. Kenji la prend de haut et tourne les talons. Le soir, il se rend dans une boîte de nuit fréquentée par un autre clan. Leurs membres se moquent de lui et de son manque d'argent. Saya Kuroki arrive et s'installe à leur table avec une épaisse liasse de billets pour payer. 3 novembre 1988, Marcus Lopez Arguello est allongé dans un transat sur la plage de Puerto Peñasco au Mexique. Il a une conversation imaginaire avec Willie, tout en écoutant une K7 des Cure. Maria Salazar arrive avec son petit chien dans les bras et s'assoit sur le transat à côté de Marcus. Elle lui a apporté un cadeau : un nouveau journal intime vierge pour écrire. Elle lui fait remarquer la beauté du coucher de soleil. Il répond que la beauté vieillit rapidement car on s'y habitue et on la prend pour quelque chose de normal, de banal. Elle lui jette le contenu de sa bouteille à la figure et le dispute pour ne pas réussir à être content. À l'établissement scolaire King's Dominion, Quan reçoit un appel de Kenji Kuroki exigeant qu'il discrédite Saya. Alors qu'il raccroche, Quan se fait choper par Helmut qui l'amène dehors pour rejoindre Tosahwi : il exige de savoir qui a dit à Saya dans quel bar ils se trouvaient.
Le lecteur revient faire un tour dans l'établissement King's Dominion, pour fréquenter ces adolescents dangereux aux conduites à risque, et terriblement humains. Il retrouve les rescapés de la première année, toujours autant bringuebalés par les événements, par les manipulations des adultes, par le poids de leur passé et de celui de leur famille, par leurs émotions et leurs hormones. Contre toute attente, Marcus est bien présent, toujours prompt à réagir sous le coup de ses émotions, que ce soit la culpabilité nostalgique sur la petite plage (avec une réelle souffrance dans ses yeux), la concupiscence face à Maria Salazar (avec une envie intense dans le regard), ou l'agressivité pour se défendre de tout avec des réactions à fleur de peau. L'artiste impressionne le lecteur car il a trouvé le point d'équilibre entre un dessin semblant croqué sur le vif et un jeu d'acteur naturaliste, fruit d'une longue pratique. Il sait insérer un élément comique avec naturel, comme Marcus en slip kangourou parlant avec Quan. Maria est épatante en jeune femme normale et bien dans sa peau, bronzée et saine, avec son petit nœud dans les cheveux. En la voyant ainsi, le lecteur peut complètement oublier ses aventures des tomes précédents, et même sourire en en la voyant avec son chihuahua sur le bras. Ce tome est également l'occasion de passer du temps avec Petra Yolga qui a ressorti ses fringues de goth (difficile de résister à son teeshirt résille troué). Le lecteur ressent une forte empathie en la voyant se recueillir sur la tombe de Billy Bennett (1972-1987), et il sourit en la voyant rire de bon cœur à une blague d'Helmut (avec des burritos congelés). Wes Craig sait communiquer les sentiments des personnages avec un naturel irrésistible. Même Brandy qui est cantonnée dans un rôle secondaire existe aux yeux du lecteur, à la fois par son image de jeune fille parfaite et bien élevée, à la fois par l'agressivité qui se lit sur son visage avec un degré variable de méchanceté.
Pour autant, le lecteur attend tout autant de pouvoir retrouver la nouvelle promotion de King's Dominion. En les apercevant, il mesure à quel point le dessinateur a su leur donner une apparence unique, a su en faire des individus différenciés et les rendre proche du lecteur. Shabnam est toujours aussi stressé, immédiatement antipathique dans sa manière d'être. Kelly Grogda fait peur avec sa perte de poids et l'intensité des émotions sur son visage. Les expressions fermées de Tosahwi le rendent tout aussi désagréable, même si le lecteur comprend bien la force des préjugés contre lesquels il doit lutter. Wes Craig réussit à rendre Quan très sympathique, avec cette dégaine de de rockers des années 1950, son sourire et son bagout. Helmut est étonnant, à la fois caricature (un allemand blond avec une forte carrure, un teeshirt noir et une veste en jean), à la fois étonnamment gentil et compréhensif dans ses gestes, et très nature (aux toilettes, ou en vomissant). Zenzele en impose par sa morphologie, son sérieux, son maintien et ses principes. Wes Craig fait bien plus que de mettre en scène les personnages conçus par le scénariste : il les fait s'incarner par leur tenue vestimentaire, par leurs gestes, par les émotions sur leur visage.
Craig & Remender travaillent également de concert pour recréer une époque : celle de la fin des années 1980. Le lecteur retrouve les modes vestimentaires, les meubles d'époque, les modèles de voiture, et des traces culturelles sur des posters. Les auteurs évoquent ainsi, en dialogue ou en image, OMD, New Order, The Damned, The Cure, Suicidal Tendencies, Depeche Mode, Siouxie and the Banshees, Jane's addiction, The Pixies, Devo, Cocteau Twins, The Cult, Book of Love, Peter Murphy, Duran Duran, Morrissey, Christian Death, The Cramps, les différents adolescents ayant des goûts variés. Comme dans les tomes précédents, ces jeunes effectuent des constats sur la vie, pénétrants et pertinents parlant aussi aux adultes. Lorsque Helmut apporte son soutien à Petra Yolga, la discussion porte aussi bien sur les individus trop parfaits ce qui les rend insupportables voire haïssables aux yeux des autres, les stéréotypes véhiculés par les média (par exemple les goûts des métalleux sont tous identiques à l'imagerie que peut véhiculer une vidéo de Whitesnake, à l'époque de leur album 1987), le caractère élitiste de certaines formes de musique y compris pop, la marchandisation drainant l'authenticité de toute forme de mouvement (en l'occurrence de toutes les cultures jeunes). Dans d'autres séquences, il est également question du besoin d'être accepté dans un groupe, de l'évidence d'apprécier la vie sachant qu'on va tous mourir, d'une expérience de sociologie avec des souris et de la drogue (les expériences dite Rat Park, de Bruce K. Alexander). D'une certaine manière, le lecteur peut avoir l'impression que ces passages sont contrebalancés par un humour scatophile, à commencer par une mauvaise odeur dans la voiture, mais aussi la remarque de Helmut sur le fait de remplir la cuvette des toilettes, comme un preuve qu'un individu peut se montrer plus productif que le métabolisme d'un individu peut surpasser ce qui a été prévu par les constructeurs. Cette dernière remarque parvient à associer un humour scatophile avec une considération sur la normalisation technologique.
L'intrigue amalgame de la même manière des éléments sérieux et tragiques, avec des éléments d'action outrée. En toile de fond, la compétition mortelle entre élèves du King Dominion est toujours bien présente : Shabnam qui déploie des efforts désespérés pour conserver sa position, Grognam qui le manipule plus ou moins ouvertement, Viktor qui compte bien reprendre son indépendance, Marcus & Saya qui comptent bien se libérer de l'emprise de l'école, etc. En découvrant une nouvelle virée, le lecteur se souvient que celle du premier tome avait tourné à la catastrophe. Les intrigues de fond progressent ainsi doucement dans ce tome. Le lecteur a donc retrouvé tout ce qu'il venait chercher, tout ce qui était présent dans les tomes précédents et qui l'ont rendu dépendant à la série. Il constate qu'il n'est pas au bout de ses surprises. Wes Craig & Rick Remender ne se contentent pas resservir la même chose, ou de faire évoluer ce qui était déjà présent dans les tomes précédents. Ils vont plus loin, que ce soit une prise d'extasy (MDMA) coupée à l'héroïne, ou les origines de Burrito Man (énorme et irrésistible, imparable, justifiant à elles seules la lecture de ce tome).
Toujours plus de la même chose. Il y a intérêt, car le lecteur est venu pour ça : plus de jeunes adultes, de comportements à risque, d'émotions à fleur de peau, de meurtres entre amis (et entre ennemis), de découpages audacieux de séquence. Toujours plus tout court : il y a intérêt aussi (et il n'y a même pas besoin de demander). Des origines de Burrito Man à un plan incroyable à 180° au-dessus de la plage, Rick Remender & Wes Craig continuent d'aller plus loin.