Ce tome contient une histoire complète qui se comprend sans connaissance particulière du personnage Thor, version Marvel Comics. Il comprend les 3 épisodes (de 32 pages chacun) de la minisérie, initialement parus en 2001/2002, écrits par Kurt Busiek, dessinés par Steve Rude, encrés par Mike Royer, et mis en couleurs par Gregory Wright.


Sur la côte de la Mer du Nord en 912, Uller (un jeune adolescent) interpelle Wilf, un autre adolescent qui est en train de démêler un filet. Il lui enjoint de venir pour s'entraîner à l'épée avec ses autres copains. Alors que Wilf lui explique qu'il lui faut absolument compléter sa tâche, même s'il ne semble pas progresser, leur discussion est interrompue par un ancien qui leur parle de persévérance. Il leur propose de leur raconter une histoire des temps passés. Pour cela, il va s'assoir sur une souche d'une forte circonférence, pour être en communion avec Yggdrasil. Il attire leur regard sur l'éclat de pierre que le chef Harald porte au cou. Il leur explique que cet éclat provient du marteau du dieu Thor, et leur raconte comment ce morceau de métal Uru a pu être séparé de Mjolnir. C'était de cela il y a plusieurs années, alors que Thor avait dû se battre contre la tempête qui s'était rebellée, avec l'aide cachée de Loki.


Les 2 adolescents étant captivés par son récit, il consent à leur raconter ce qui est arrivé par la suite à cette tempête rebelle que Thor avait réussi à emprisonner. Pour cela, il leur raconte une histoire du futur quand Thor était un dieu, mais aussi un homme exerçant la profession de médecin. Il avait alors affronté (affrontera) un supercriminel se faisant appeler Weather Maker, assisté par d'autres individus disposant de superpouvoirs et se faisant appeler les Avengers. Weather Maker avait enlevé une jeune femme appelée Maureen Scanlan. À nouveau, dans les coulisses, Loki manipulait les uns et les autres à son avantage, afin de discréditer son demi-frère. En public, il faisait le nécessaire pour influencer leur père en lui faisant observer que Thor continuait de mettre la sécurité des humains de Midgard (la Terre), avant les intérêts du royaume d'Asgard, en désobéissant ouvertement à Odin.


En voyant la couverture, le lecteur est tout de suite alléché par l'association de 2 créateurs de talent. Kurt Busiek s'est rendu célèbre en écrivant MARVELS PAR BUSIEK ET ROSS (avec Alex Ross), puis de nombreuses séries pour Marvel, ainsi que l'exceptionnelle série indépendante Astro City : Des ailes de plomb avec Brent Anderson. De son côté, Steve Rude est un illustrateur unique, que ce soit sur des personnages Marvel ou DC, comme dans Superman et Batman : L'Etoffe des Héros ou dans la série indépendante Nexus. Le lecteur constate également que l'encreur n'est autre que Mike Royer, l'un des encreurs les plus respectueux de Jack Kirby, par exemple dans The Demon. Le récit promet donc un conte mettant en avant des facettes constructives de la nature humaine, comme Busiek sait si bien les mettre en valeur, avec des dessins d'un rare élégance, rendant hommage à Jack Kirby, le co-créateur de Thor version Marvel.


Effectivement, le lecteur découvre des pages splendides alliant la force mythologique des dessins de Jack Kirby, avec une approche plus séduisante, moins brute. Il constate que Steve Rude rend hommage aux dessins de Kirby période début de Marvel, c’est-à-dire première moitié des années 1960, avant qu'il n'intègre plus de formes géométriques et abstraites. Il retrouve donc une forme de naïveté dans la représentation des individus, avec un langage corporel assez adolescent et emporté, de visages assez lisses arborant des expressions indiquant des émotions fortes non diluées. Il repère le fait que Rude s'inspire fortement de Kirby pour des textures comme celle de la pierre, ou celle du bois. Il reconnaît également la mode des années 1960 pour les robes des femmes dans l'épisode 2. Il observe les postures classiques de Don Blake tenant sa canne, ou de Thor faisant de grands moulinets avec son marteau, à l'identique de celles imaginées et popularisées par Kirby. Il y a également ces individus qui tendent le bras en avant sous l'effet de la stupeur ou de l'angoisse, semblant vouloir montrer quelque chose directement au lecteur.


Pour autant, Steve Rude n'est pas dans le plagiat, mais reste bien dans l'hommage. Tout du long, le lecteur voit que l'artiste a conservé sa propre identité graphique. Dès la première page, il le constate dans le harnachement du cheval de Thor, avec des motifs géométriques, mais représentés avec minutie, et non appliqués à gros traits. C'est donc dans les détails qu'il retrouve l'approche graphique caractéristique de Steve Rude : les lunettes de soleil des policiers, la décoration intérieure de l'appartement de Maureen Scanlan (y compris les pots de fleur), le degré de détails dans les tenues des asgardiens, les poutres métalliques de la station de forage, etc. Steve Rude atteint un équilibre épatant entre les influences de Jack Kirby, et sa propre vision de la réalité, comprenant des détails inattendus, mais authentiques. En outre, d'épisode en épisode, le lecteur tombe en arrêt devant une case ou une composition des plus impressionnantes : Thor venant déposer Maureen Scanlan dans la salle d'attente de l'hôpital en entrant élégamment par la fenêtre, l'ancien assis avec souplesse sur la souche levant les bras aux cieux comme pour invoquer l'image de Thor et des forces invisibles pour le commun des mortels, l'appartement de Maureen Scanlan avec son aménagement délicieusement suranné, l'évocation de la cour que Jared Carstairs fait à Maureen, la destruction de la plateforme pétrolière, un bateau dans une bouteille, le motif sur le plaid qui recouvre les épaules d'un individu en train de se réchauffer, etc. Par contre, il peut aussi se lasser dans l'épisode 2 de construction de pages trop similaires à celles des années 1960, avec le même découpage un peu pataud.


Le lecteur comprend tout de suite qu'il plonge dans un récit à la manière des Tales of Asgard, comme en réalisait Jack Kirby, en histoire bonus dans les numéros mensuels de la série Thor, des histoires de la jeunesse de Thor, avant qu'il ne soit envoyé sur Terre par Odin, pour lui faire passer le goût de sa suffisance. Kurt Busiek utilise donc la forme d'un conte, raconté à des enfants par un mystérieux ancien. En fait il ne respecte pas vraiment cette forme, puisque l'ancien en vient à parler du futur, de Thor étant aussi un médecin (Don Blake), et même n'étant pas vraiment lui-même, mais un certain Jake. Le début du récit reprend bien les conventions des récits d'Asgard, avec une menace mélangeant nature et sorcellerie, avec les manigances sournoises de Loki en arrière-plan. Mais dès la fin du premier épisode, le lecteur se retrouve face à un supercriminel aussi classique que fade. Cette absence d'unité de temps dans les aventures de Thor mine d'autant le cadre du récit effectué par un ancien à des adolescents à la fin du premier millénaire.


Le lecteur remarque également tout de suite que Kurt Busiek rend lui aussi hommage au mode narratif des années 1960, et en particulier aux copieux phylactères au style ampoulé, avec les personnages qui expliquent ce qu'ils font à haute voix, et qui est déjà montré dans par les dessins. Le lecteur se pince un peu, car Kurt Busiek ne dispose pas du bagout de Stan Lee, et de son abattage dans la promotion de ses produits. Du coup, ces copieux phylactères deviennent vite pesants et laborieux, sans apporter ni un style, ni des informations que ce soit sur le récit ou sur le caractère des personnages. Le lecteur finit par se résoudre à les lire, tout en guettant les pages où il y en a un peu moins quand l'action prend le dessus. Mais en fait les pages allégées en texte se compte sur les doigts d'une main à l'échelle des 3 épisodes. Or les discussions et les soliloques ne servent ni à alimenter une étude de caractère, ni à jeter un regard pénétrant sur la nature humaine, et ne comportent pas non plus d'humour. Malgré tout, le lecteur s'accroche, trouvant son intérêt dans les bonheurs visuels de Steve Rude, et mettant ses espoirs dans l'intrigue. Il s'avère que cette dernière est très linéaire, et très basique, sans grand intérêt au vu des stéréotypes qu'elle utilise au premier degré. Arrivé à la fin du premier épisode, le lecteur s'est résigné à une lecture bourrative aux saveurs plates.


Alors que la couverture promet l'association de 2 grands créateurs pour un récit à la manière des Tales of Asgard, le résultat s'avère indigeste, malgré les efforts déployés par Steve Rude. Même si les dessins comportent de véritables pépites, la narration n'arrive pas à s'élever au-dessus d'un hommage pesant, alourdi par des phylactères dénués d'intérêt, et des citations visuelles trop nombreuses.

Presence
3
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le 31 mars 2020

Critique lue 37 fois

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Romain_Bouvet
6

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