Si le scénariste Stan Lee a su, entre 1960 et 1990, populariser les super-héros, créant une centaine de héros majeurs, jetant les bases d’un univers cohérent et transformant une petite maison d’édition, Marvel, en multinationale multimédia, c’est bien Alan Moore qui dynamitera cet empire, déconstruisant les trop sages mythes de son aîné, pour les subvertir et les ouvrir à la modernité. Sa créativité et sa productivité sont fascinantes. Cet adorateur de Glycon, une divinité-serpent romaine, excelle aussi bien dans la dystropie anarchisante (V pour Vendetta, 1982), le roman noir associant ésotérisme et haute politique (From Hell, 1991) ou la réécriture cynique et crue des aventuriers de l’ère victorienne (La Ligue des gentlemen extraordinaires, 1999). Il célèbre les grands anciens avec Suprême (1999), une brillante réécriture de Superman, puis croque des super-héros névrosés, amoraux ou mégalomanes dans l’uchronie Watchmen (1986).
Top 10 est une courte et réaliste série policière, crayonnée par Gene Ha et encrée par Zander Cannon. Imaginez une ville de super-héros, extraterrestres, demi-dieux et intelligences artificielles. Des enfants aux vieillards, des animaux aux touristes, tous possèdent leurs propres pouvoirs. Cette cité possède son unité de police. Comme tous les flics du monde, ils connaissent leurs moments de convivialité, de tensions et de drames, alternant simples interventions et… conflits cosmiques. Série adulte, Moore n’élude par les difficultés, les racismes, les sexualités déviantes ou tabous. Bien que les chapitres soient courts, les dialogues sont riches et précis. Il donne à chacun de ses héros une personnalité attachante et complexe et dote l’ensemble du commissariat d’une véritable camaraderie, qui n’élude pas les oppositions. Gene Ha livre un dessin d’une richesse infinie, tant dans ses personnages que dans son architecture, avec d’innombrables références à l’histoire des Comics. Les fans y trouveront matière à plusieurs lectures. Un très bon investissement.
Juin 2017