Une gentille famille ; deux parents, un enfant ; une vie paisible dans les collines.
Mais une vie qui bascule à l'apparition des ombres. Trois ombres, trois mystérieuses silhouettes. Qui sont-elles ? Que veulent-elles ?
Pour Louis et Lise, les parents, c'est Joachim, leur fils, que sont venus chercher les ombres. C'est une certitude. Pour protéger son enfant, Louis l'emmène vers une destination lointaine : la terre de ses origines.
Un long voyage semé d'embûches commence pour le père et le fils...

Des univers visuel fascinant.

Cyril Pedrosa est un dessinateur et coloriste dont le style se caractérise par la « rondeur » de ses dessins. Dans Trois ombres, il déploie toutes ses compétences pour illustrer l'histoire fantastique et émouvante de Louis, Lise et Joachim. D'une page à l'autre, le dessins évolue pour s'adapter au niveau d'action, à l'émotion que Pedrosa veut faire passer au lecteur, la précision des perceptions qu'ont les personnages de ce qui les entoure et leur arrive.
En fait, Pedrosa varie les techniques (crayon, fusain, pinceau...), mais il y a une constante : le noir et blanc. L'absence de couleur sert parfaitement une histoire qui cherche à atteindre le lecteur en plein cœur. Le dessin est brut, concentré sur l'essentiel : apporter à l'heureuse personne qui tient Trois ombres entre ses mains de véritables sensations. Des sensations visuelles, bien sûr, mais aussi sonores. Pedrosa saupoudre ses dessins d'onomatopées qui figurent des bruits qui animent les pages autant que le font les mouvements illustrés des personnages.
En toute honnêteté, je préciserais que je n'aime pas particulièrement le style de Cyril Pedrosa. Mais force est de constater qu'il réalise une bande dessinée magnifique, qui n'aurait pas le même caractère sans ses dessins particuliers, tantôt précis, tantôt confus, toujours justes, poignants quand il le faut.

Un conte émouvant.

Trois ombres n'est pas une bande dessinée comme les autres. Du moins pas comme la majorité des BD. Édité par Delcourt dans la collection Shampooing, elle se classe directement dans ce qu'on pourrait appeler la bande dessinée d'auteur. Et en effet, Trois ombres est une œuvre personnelle, dont l'idée est venue à Cyril Pedrosa suite à la mort de l'enfant de deux ses amis.
Personnelle, car Pedrosa l'a réalisée seul. La preuve par les dessins que j'évoquais ci-dessus, mais aussi le scénario, dont il est également l'auteur, seul.
Seul... Seuls. Voilà comment peuvent être des parents qui ont perdu leur enfant, ou qui savent qu'ils vont le perdre, quoi qu'ils fassent. C'est le point de départ de Trois ombres. L'apparition des trois ombres est l'annonce d'un péril planant sur Joachim. Si Lise, la mère, est prête à accepter ce sinistre destin, malgré toute la douleur qu'elle ressent, Louis, le père, ne peut se résoudre à rester sans rien faire. Lui, l'homme rude, courageux - mais évidemment sentimental - ne va pas accepter d'attendre que les ombres viennent lui arracher son fils. Il doit agir. Il doit le sauver, ou du moins essayer. Pour lui la solution est de retourner dans sa terre natale. Au-delà du fleuve. Au cœur de ses origines. AU-DELÀ de tout danger.

Trois ombres est un conte grave. On ne rigole plus, passées les sept premières pages. Et il y en a deux cent soixante huit ! L'histoire est d'autant moins drôle tant qu'elle reste parfaitement cohérente, dans les deux premiers tiers de la bande dessinée. Car la première partie de l'histoire voit le malheur frapper la tranquille petite famille blottie dans les collines. Le peur monte. Elle se transforme en angoisse dans la seconde partie du récit, durant le voyage semé de difficultés de Louis et Joachim, qui cherchent désespéremment à échapper aux ombres. Puis tout bascule, au dernier tiers de la bande dessinée, dans une confusion onirique et fantastique que le lecteur peut avoir du mal à relier au reste de l'histoire. Pedrosa effectue en effet un détour scénaristique qui nous écarte sensiblement des thèmes principaux : mort, tristesse et détresse d'un père... et fait perdre un peu de force au récit. C'est sans aucun doute le défaut de Trois ombres. Il en fallait bien un...
Mais la fin de cette épopée, de cette odyssée dans des contrées physiques autant qu'émotionnelles, est magnifique. Il aurait pu être dur de terminer une histoire aussi forte, aussi touchante. Et c'est avec une finesse touchant à la perfection que Cyril Pedrosa met fin à une aventure qui aura transporté le lecteur au cœur d'un univers lugubre mais pas morbide, sombre mais rayonnant d'espoir.

Trois ombres est tout simplement une superbe bande dessinée. Elle raconte une belle, bien que triste, histoire.
Un immanquable.
Hard_Cover
9
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le 18 déc. 2010

Critique lue 478 fois

4 j'aime

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