Il y a une tendance majeure dans les crossovers parus ces dernières années chez Marvel ou DC, celle de combler l'indigence de leurs scénarios par un amas de morts, connus ou moins connus. Et Ultimatum, le premier grand crossover de l'univers Ultimate, c'est ça. Il a été justifié par le rappel des origines de cette dimension parallèle, qui devait s'affranchir de la continuité classique pour proposer de nouvelles aventures, et le pari fut réussi. Puis il y eut 9 ans d'épisodes, plus ou moins bons, et donc une continuité de plus en plus riche, qui ne correspondait plus aux nouveaux lecteurs. Alors, on décide de faire le ménage. Un peu bêtement, par le sang.
Mais je vais un peu vite en besogne, car, contrairement à ce que son nom pourrait indiquer, ce volume ne se consacre pas entièrement à ce crossover. Il accueille aussi la troisième saison des Ultimates. Après celles fort convaincantes de Mark Millar, c'est Jeph Loeb qui se retrouve aux manettes, accompagné de Joe Madureira, dont l'absence a été longue, trop longue. En seulement cinq épisodes, Loeb ne propose qu'une intrigue sommaire, mais aux rebondissements incessants, mais bien trop souvent artificiels. Quant à Madureira, à vouloir montrer son talent, il en fait trop, et étouffe ses compositions, contrairement à ses prestations sur les X-Men ou Battle Chasers. Le spectacle est là, et se laisse lire, mais contrairement au run de Mark Millar, sans le moindre gramme d'intelligence.
Ces cinq épisodes entraînent un élément scénaristique qui détermine Ultimatum, survenant à Magnéto. Pour se venger, celui-ci décide de bouleverser l'axe magnétique de la Terre, entraînant différents cataclysmes, dont un gigantesque raz-de-marée sur New-York. On se demande pourquoi il ne l'avait pas fait avant. Les héros Ultimate restant vont donc unir leurs forces, enfin presque.
Car la trame globale et abrutie "Magnéto est méchant, vengeons-nous" est complexifiée par différents évènements survenant à nos personnages. Or, la bonne compréhension des à-côtés de cet évènement est impossible sans lire ce qui arrive à nos héros, dans Ultimate Spider-Man, Ultimate Fantastic Four ou Ultimate X-Men. La qualité est variable, avec Brian Michael Bendis qui s'en sort formidablement bien, en accentuant, comme à son habitude, le point de vue humain, plus terre-à-terre, du raz-de-marée, tandis que les X-Men se dépêtrent dans une histoire confuse. Et certaines clés scénaristiques ne sont dévoilées ou ne se concluent que dans une série d'épisodes, appelés Requiem. Mais rien de tout cela dans ce Marvel Deluxe, qui n'offre qu'une vision parcellaire de l'évènement.
Ultimatum est donc une histoire simpliste, alourdie par différents à-côtés, qui ne vise qu'à faire le ménage dans l'univers Ultimate. Et ce ménage est par le vide, en alignant les morts par dizaines, sans s'arrêter sur les interrogations ou conséquences possibles. Vous comprenez, c'est pour accentuer la menace de la chose. Et, en cinq épisodes, Jeph Loeb n'a pas le temps de faire dans l'introspection. Mais cet empilement de morts est forcé, et surtout vain.
"Tout est possible dans l'univers Ultimate", paraît-il. Et certains épisodes ont été ce qui se faisait de mieux à l'époque. Mais, avec le temps, peut-être fallait-il amener cette ligne éditoriale dans une nouvelle direction. L'idéal aurait été de le faire avec un peu plus de respect, pas en enterrant sans enjeux majeurs des créations intéressantes. On retrouve l'idée du spectacle sans profondeur évoqué pour Ultimates saison 3, avec cette fois-ci David Finch aux dessins et qui ne déçoit pas. Mais, au-delà des belles pages, il n'y a rien, comme le pire des blockbuster à l'américaine.
Quelles auront été les conséquences de ce crossover ? La "nouvelle" phase de cet univers aura apporté quelques bonnes choses. Mais, et c'est bien là le problème, à part pour quelques épisodes (notamment pour les mutants, les plus sensibles aux conséquences), sans que l'on sente qu'Ultimatum ait apporté l'étincelle du renouveau, sans qu'on se dise "ça valait le coup". Du point de vue du fan ou du lecteur, Ultimatum est un échec, ce n'est pas une bonne histoire, c'est juste un évènement éditorial.