Ce tome fait suite à la première saison Harbinger et la deuxième saison Imperium , toutes les 2 écrites par Joshua Dysart. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2019, écrits par Joshua Dysart, dessinés et encrés par Carlos Alberto Fernandez Urbano (CAFU), avec une mise en couleurs réalisée par Andrew Dallhouse. Les scènes du passé ont été illustrées par Mico Suayan pour l'épisode 1, par Butch Guice pour l'épisode 2, par Adam Pollina pour l'épisode 3, par Diego Yapur pour l'épisode 4, par Kano pour l'épisode 5, et par Doug Braithwaite pour l'épisode 6. Ce tome contient également les couvertures alternatives réalisées par David Mack, CAFU, Mike Choi, Jeffrey Veregge, Ben Harvey, Dean Haspiel, Ken Lashley, Nen Chang, Jack Herbert, Dan Brereton, 12 pages de crayonnés et d'encrage, et 2 pages extraites de la proposition initiale de Joshua Dysart pour la série Harbinger.
Qu'est-ce qui existait avant la connaissance ou la compréhension ? D'où est venue l'étincelle qui a tout enflammé ? L'explosion qui a suivi l'étincelle contenait toute l'information qui a jamais été et qui sera jamais. L'explosion a inventé le temps. 400 millions d'années après l'étincelle, la lumière fut enfin. En 1938, Toyo Harada voit le jour à Hiroshima au Japon. En 1941; lorsque le Japon entre en guerre, le père de Toyo Harada s'engage dans l'armée. En 1943, il meurt au combat. En 1945, la bombe atomique Petit Garçon (Little Boy) s'abat sur Hiroshima. Le jeune Toyo voit sa mère être consumée par le feu atomique et lui survit. En 1948, se tient le festival pour la paix à Hiroshima au cours duquel un Lieutenant général des forces alliées s'adresse à la foule. Il s'interrompt en voyant arriver un jeune garçon devant qui la foule s'écarte et se prosterne. Il reprend connaissance dans un hangar abritant des armes et des munitions. Toyo Harada ordonne au général de distribuer les ressources présentes dans le hangar aux populations les plus faibles. Il ajoute qu'il est le promoteur d'une nouvelle ère de paix.
Au temps présent, les informations annoncent que 9 pays se sont alliés à Toyo Harada, que des guerres civiles impliquant des manifestants pro-Harada se sont déclenchées dans 19 états. Morris Kozol donne une conférence en Chine : c'est le président directeur général de la multinationale Rising Spirit, spécialisée dans la fabrication de dispositif anti-psiotiques. Il explique que l'objectif de Toyo Harada est de fomenter des insurrections contre les gouvernements en place, afin de s'installer comme dictateur de la Terre entière. Il dispose d'un petit groupe d'individus dotés de capacités extraordinaires : Angela Vessel, Gravedog, Seigneur LV-99, Law, Darpan, Orchid, Mech Major et Ingrid Hillcraft. À côté de sa base Fondation (une ville de réfugiés en Somalie), il a fait construire un ascenseur spatial proche d'être terminé et opérationnel, pour aller récupérer la technologie de la race extraterrestres des Vine, en orbite proche de la Terre. Actuellement, Toyo Harada est à la tête d'une équipe (Gravedog, LV-99, Law, Darpan et Orchid) pour stopper une attaque contre l'ascenseur spatial et neutraliser les soldats des forces alliées.
Ce récit vient constitue une forme de troisième saison après Harbinger (26 épisodes) et Imperium (16 épisodes), l'un et l'autre écrits par Joshua Dysart. Ce dernier dispose de 6 épisodes pour terminer son histoire, et il n'a pas le temps d'effectuer des rappels sur les personnages ou sur la situation de départ. Du coup, ce tome s'adresse essentiellement aux lecteurs ayant lu au moins Imperium, et au mieux Harbinger + Imperium. Les autres risquent de n'avoir aucune idée de qui sont tous ces personnages, quels sont leurs pouvoirs, quelle est l'histoire qui les unit, ce que représente Rising Spirit, ou encore pourquoi ce moine qui saigne revêt une importance particulière. Ceux qui ont lu les deux premières saisons sourient d'aise en voyant Mech-Major reprendre son nom de Sunlight on Snow, éprouve un grand plaisir à retrouver Ingrid Hillcraft, et à reconnaître les différents alliés de Toyo Harada, y compris les plus dangereux comme Angela Vessel et LV-99. Chaque épisode comprend 30 pages, sauf le sixième qui comprend 15 pages de récit. C'est à la fois plus qu'un épisode habituel de comics (20 pages), et à la fois trop peu. Joshua Dysart souhaite apporter une conclusion satisfaisante à son récit sur plusieurs plans : la vie (et la mort, c'est dans le titre) de Toyo Harada, le conflit qui oppose la Fondation et les nations constituées, le sort de plusieurs personnages secondaires. Malgré la pagination, il doit faire des choix : il n'a pas la place de développer autant de personnages, et il s'appuie donc sur ce qu'il en a déjà dit dans les 2 premières saisons, sans pouvoir en dire beaucoup plus. En particulier, Darpan, Law et Orchid sont réduits au rôle de pions, d'artifices narratifs, sans personnalité propre.
L'une des caractéristiques initiales des 2 premières saisons était leur proximité avec le monde réel, plus forte que celle des univers partagés de DC ou de Marvel. C'est encore le cas ici avec CAFU qui réalise des planches descriptives et réalistes, soignées et détaillées. Il investit du temps pour représenter les décors avec une très grande régularité dans plus de 80% des cases, niveau beaucoup plus élevé que dans un comics de superhéros traditionnel. Il en découle que le lecteur peut aisément se projeter dans chaque environnement : à l'extérieur du bâtiment qui abrite les bureaux du projet appliqué Harada, au-dessus d'une mine de cobalt dans la République Démocratique du Congo, dans l'espace juste au-dessus de l'atmosphère terrestre, dans la grande cité de la Zone Fondation en Somalie, sur le porte-avions USS Bush, etc. L'artiste apporte le même soin à la représentation des personnages : des êtres humains élancés avec une musculature normale sans exagération, un robot métallique et froid, un monstre extraterrestre qui fait peur, des civils banals, des militaires compétents, etc. Ces choix graphiques contribuent de manière essentielle à rendre le récit proche de la réalité du lecteur.
L'auteur et les responsables éditoriaux ont fait le choix de confier les scènes du passé de chaque épisode, à un dessinateur différent, ce qui fait sens à la fois pour marquer la distinction entre le passé et le présent, à la fois entre les différentes décennies. En termes de réalisme, Mico Suayan est plus impressionnant que CAFU, avec des dessins plus détaillés, plus précis, tout en restant aussi lisibles. Andrew Dallhouse adapte sa mise en couleurs pour chacun des artistes de manière à accroître la distinction entre les différents plans dans chaque case, à souligner les reliefs, sans surcharger les dessins. Butch Guice reste lui aussi dans un registre réaliste, avec un encrage plus appuyé qui rend bien compte de la rigueur des éléments déchaînés pendant une tempête. De prime abord, les dessins d'Adam Pollina semblent trancher fortement avec les autres. Le lecteur se rend compte que cela est dû à la mise en couleurs avec des teintes plus vives, et que ce parti pris est adapté à la nature des souvenirs qui comprend une dimension spirituelle. Les dessins de Diego Yapur reviennent dans un registre plus réaliste, avec une mise en couleurs naturaliste, légèrement plus doux que ceux de CAFU. Les dessins de Kano donnent l'impression d'être plus simples et plus crus que les précédents, ce qui peut se voir comme la vision du jeune homme qui accompagne Toyo Harada dans ces moments. Enfin, Doug Braithwaite réalise des planches impressionnantes pour rendre compte d'une séquence se déroulant dans une autre dimension.
Le lecteur se plonge avec facilité et avec délice dans cette bande dessinée soignée pour découvrir ce qui arrive à ce personnage à l'aura magnétique, animé de bonnes intentions, mais utilisant des moyens douteux, ou pour le moins discutables. Le lecteur s'en souvient vite en retrouvant ses alliés comme LV-99 et Angela Vessel. Il retrouve également des moments de la vie de Toyo Harada qu'il connaissait déjà : la mort de son père, la mort de sa mère, et d'autres qu'il découvre. Joshua Dysart se montre habile à montrer le cheminement de la vie d'Harada qui fait qu'il lui a fallu du temps pour arriver à bâtir sa multinationale et que sa création d'état indépendant s'est faite dans le chaos. S'il peut regretter que certains personnages secondaires ne puissent pas être développés (à commencer par Ingrid Hillcraft), le lecteur voit que l'auteur tient bien sa promesse du titre : raconter la vie et la mort de Toyo Harada. Il retrouve la thématique principale d'Imperium : un être doté de pouvoirs extraordinaires fait tout ce qu'il peut pour améliorer le sort de l'humanité, pour initier le changement et vaincre l'inertie incroyable de la population mondiale. Même avec la durée de vie allongée de Toyo Harada, il est obligé d'user de la force et de s'allier à des individus peu recommandables. Encore adolescent, il utilise des méthodes expéditives dont il paye le prix. Plus mature, il est confronté à l'absurdité de la vie, à son absence de sens, ce qui provoque en lui une période de doute.
Indubitablement, le lecteur éprouve une grande satisfaction à voir ainsi se dérouler la vie de Toyo Harada, à comprendre ce qui a façonné sa personnalité et ses choix de vie, à voir ses plans mis à l'épreuve de la réalité. Il est un peu surpris de voir réapparaître le moine qui saigne, et dans le même temps comblé que le mystère qui l'entoure soit levé. Il ne s'attend pas à la conclusion, ni dans le fond, ni dans sa forme, même si ce dénouement apporte une fin cohérente et satisfaisante. En termes de confection, le lecteur trouve tout ce qu'il était en droit d'attendre : un récit qui évoque la vie et la mort de Toyo Harada, qui bénéficie d'une narration visuelle soignée et minutieuse, ainsi qu'une dimension mythologique rattachant Harada à l'étincelle originelle de l'univers. Pourtant il est possible qu'il subsiste un goût de trop peu. Il faut un peu de temps au lecteur pour trouver d'où provient cette touche de frustration. Finalement, ce tome n'est pas l'apogée du récit, mais sa conclusion logique. Joshua Dysart a pris le risque de placer la culmination du récit dans Imperium, plutôt qu'à la fin, dans le dernier tome. C'est un déroulement qui ne va pas crescendo, en décalage avec 99,99% des récits de ce genre, ce qui déroute.