Rejet suite à la decouverte au cinéma, la séance m’avait parue interminable. Revu une seconde fois pour savoir si je n’était pas passé à coté de quelque chose, ça n’avais pas été beaucoup plus concluant. Cette troisième incursion est une redécouverte.
Mais le film en conserve tout de même ses principaux défauts, à savoir de passer scénaristiquement à coté de son principal sujet, de ne pas exploiter toute la démesure et le mythe que suggère son titre et d’un choix de casting qui, sur le papier pouvait prétendre à être le choix parfait, s’avère en définitive une erreur.
Faut dire que le film tente avec de gros sabots de rattacher tous les wagons. Après avoir délibérément fait l’impasse dans Skyfall de tout ce qu’avait mis en place Casino Royale et Quantum of Solace, Sam Mendes tente de nous faire croire que les 4 films ne vont former qu’un tout. C’est donc dans un rattrapage de branche peu subtile que l’intrigue va trouver son point de départ (coucou M). Intituler son film Spectre expose à certaines attentes. Hors, l’organisation secrète fortement suggérée mais pas développée dans les 2 premiers, totalement absente du 3ème, va devoir se révéler et va même trouver une conclusion en l’espace d’un seul film. Canevas particulièrement étriqué ce qui aura pour conséquence de ne pas avoir de véritable développement. Menace aux multiples ramifications, conglomérat à la puissance internationale, œuvrant dans l’ombre la plus totale, jamais l’intrigue ne fera ressentir la pleine puissance de l’organisation au sein du film (c’était beaucoup plus convaincant dans Casino Royale et Quantum of Solace). Pour ce qui est de sa représentation physique, il faudra se contenter d’un meeting soporifique abusant des effets de théâtralité plus grotesques que mystérieux d’où ne sort aucun véritable suspens ou tension, et d’un Blofeld aux motivations insipides et en définitive pas du tout charismatique. Christoph Waltz (l’erreur de casting donc) manque d’envergure, se contentant de resservir ses tours et gimmicks déjà vu dans ses précédentes compositions. Si Waltz est à l’aise dans le rôle de l’ordure ingrate et sadique ; déjà vu donc ; il maitrise beaucoup moins l’approche subtile que le personnage aurait mérité (surtout en passant après Raoul Silva).
Et pourtant, durant 1h40 on assiste à une aventure plutôt passionnante ; à partir du moment où on oubli que le film s’appelle Spectre ; élégamment mise en scène, superbement illustrée par les compositions de Thomas Newman. C’est rythmé (sauf le meeting du Spectre donc). Daniel Craig maîtrise totalement le personnage, entre férocité, désinvolture, sérieux, traits d’esprits, cynisme et efficace. Lea Seydoux très convaincante dans son personnage à l’écriture fine. Le personnage se révélant par touche (l’entretien dans la clinique, le discussion éméchée à L’Américain) puis totalement au moment de l’avant/pendant/après l’affrontement dans le train. Mr. Hinx interprété par David Bautista, tueur aussi redoutable que smart du Spectre s’avère particulièrement bien traité et composé. M, Q et Moneypenny totalement investis dans l’intrigue, leurs interprètes toujours aussi parfaits. Le grand retour de Mr. White, pour un dernier face à face touchant. L’introduction destructive et mortelle haute en altitude et couleur à Mexico, le sauvetage du Dr Swann par avion sans ailes et le combat féroce dans le train face à Hinx. Soit trois grands moments composant le haut du panier de cette première partie.
Tout n’étant pas parfait non plus, la pauvre Monica Bellucci hérite d’un rôle particulièrement ingrat. elle n’est pas mauvaise dans ce qu’il y a a jouer, c’est juste qu’il n’y a rien à jouer. La course poursuite dans les rues de Rome totalement vidées où Bond continue de mener son enquête comme si il ne se passait rien autour. D’ailleurs c’est le cas il ne se passe rien autour, Hinx se contentant simplement de le suivre à vive allure, un petit dérapage contrôlé, quelques flammèches sur le capot et une Aston qui fini au fond du Tibre. C’est fade. Et bien sur ce fameux meeting censé nous dévoiler la toute puissante organisation d’une extrême platitude.
Puis vient une deuxième partie qui échoue, la faute à l’incarnation ratée du némésis tant annoncé, tant attendu et redouté. C’est vraiment toute l’écriture/interprétation du personnage qui fait défaut. Ce ne sont pourtant pas les bons moments qui manques. Entre une séance de torture sadique très éprouvante ; il est juste dommage que Bond soit aussi efficace dans sa fuite après un tel traitement ; un retour à Londres faisant exploser les fantômes du passé et un face à face sur le Westminster Bridge où Bond/Craig assure, il n’y a vraiment que Christoph Waltz qui manque de carrure, de charisme et d’intensité (ou alors à reprocher à la direction d’acteur).
Loin d’être le film attendu et vendu par son titre, l’expérience s’avère un minima prenante, la bande originale est magnifique, la réalisation et la photo particulièrement soignées.
Le Générique :
Chanson - Quelle horreur. Surtout dû à son interprétation toute en vocalises, car la mélodie ne manquait pas de charme bondien.
Le morceau Spectre de Radiohead, assez particulier aurait fait un choix plus original et osé (et plus écoutable).
Visuel - Cette immense pieuvre noir est particulièrement trompeuse sur le contenu qui va suivre en plus d’être peu ragoûtante. Les tentacules derrière la silhouette de Blofeld rendent l’effet grotesque.
LA James Bond Girl :
Lea Seydoux aka Dr Madeleine Swann. Belle, aventureuse, un passé trouble dû à l’activité de son père ayant laissé des marques que Bond ravivera. Elle est d’abord fuyante, ne souhaitant pas se replonger dans ce monde revenant à elle de manière violente. Puis décidée lorsque sa confiance en Bond se fait plus sûr, pour finalement être de nouveau éreinté de retour en Angleterre face à ce Bond bien décidé à obtenir vengeance. Personnage fuyant, n’ayant plus beaucoup de repères, elle n’aspire qu’a une vie calme, loin des hommes de violence. Autant dire qu’avec James Bond ça relève du masochisme. Lea Seydoux donne une interprétation très en retenue, se révélant par touches successives : la perte de controle après la poursuite, elle se désinhibe sous l’effet de l’alcool, se relâche totalement face à Bond puis fait preuve de témérité lors du combat dans le train...
LA réplique :
«Yes. That old thing is taking quite a bit of time. Mind you, there wasn’t much left to work on. Only a steering wheel.»
«I believe I said, ‘Bring it back in one piece’, not ‘Bring back one piece’.»
Q faisant de l’humour sur l’état de l’Aston Martin DB5 suite à ses déboires durant l’aventure Skyfall. Sans oublier d’adresser un petit reproche à Bond sur son incapacité à ramener le matériel en bon état.
LA scène :
James et Madeleine en route pour leur confrontation finale à bord d’un luxueux train, s’accordant un moment de répit autour d’une vodka martini au shaker. Le Dr Swann est magnifique, Bond la dévore, le moment est léger... si ce n’était l’arrivée impromptue de Mr Hinx, et le moment léger de virer à la confrontation féroce à l’intérieur du compartiment restaurant. Madeleine téméraire n’hésite pas à se jeter elle aussi dans l’affrontement, mais Hinx n’étant pas regardant sur qui est son assaillant ne se formalise pas à la brutaliser. Bond lui est plus qu’en difficulté face à cette force brute indéboulonnable. Le combat les amenant de wagon en wagon le combat prend une autre tournure dans le wagon à bagages alors que Madeleine arme en main ; elle qui refusait de se servir d’une arme quelques temps plus tôt ; fait feu sur Hinx. Devenant la cible principale, Bond profite du détournement que représente Madeleine, en bien mauvaise posture d’ailleurs, pour enrouler une corde autour du coup de Hinx. Bond reprenant le dessus, profite d’un effet collatéral de l’affrontement, des tonneaux attachés les uns aux autres et tombant hors du train, pour accrocher la corde au dernier tonneau. La force entraînera Hinx juste après son seul et unique mot de tout le film : «shit !»
C’est brut, c’est sauvage, c’est relativement court et c’est grandement efficace.