Nikita Mikhalkov se défend d'avoir réalisé un remake de "12 hommes en colère". Il affirme s'être réapproprié le script original, pour en extraire sa vision personnelle et ainsi témoigner de la Russie contemporaine. On comprend vite les raisons de cette distance prise avec le joyau de Sidney Lumet...
12 est une aquarelle aux allures de chef-d'oeuvre impressionniste, d'une immense prétention formelle. Le film s'attache à restituer la place accordée par la pièce d'origine aux délibérations, mais multiplie toutefois les effets de style pour finir par se disperser. Le réalisateur ne concède pas moins de crédit aux litiges qu'à la conciliation, et son jury est, de même, enclin aux échanges houleux.
Notre apprenti cinéaste n'est cependant pas à la hauteur de son homologue yankee. Il transpose l'action du film en pleine période hivernale, dans le gymnase d'une école primaire moscovite qui partage ses locaux avec ceux du Palais de Justice. La promiscuité entre les jurés, qui servait le propos de Lumet, est ici occultée. Nos douze individus se trouvent désormais réunis dans un hall de gare protégé du froid extérieur. Alors qu'ils se voyaient désunis par la chaleur étouffante et le caractère contigu de l'espace fermé dans lequel ils évoluaient auparavant. La tension n'est plus qu'artifice, l'intelligence du huis-clos laisse place à une myriade de choix douteux. A commencer par la narration, particulièrement maladroite, qui alterne de façon très linéaire entre le laïus interminable de chacun des protagonistes sur son parcours de vie, et des saynètes en extérieur. Sur 2h30 de pellicule montée avec les pieds.
Le malaise provient néanmoins, avant tout, de la dimension politique du film, envahissante et sujette à controverse. Heureusement, avec ses deux mains gauches, Mikhalkov peine à berner son monde. Il est question de dissensions ethniques, d'un jeune Tchétchène qui se retrouve ici au banc des accusés et cristallise à lui seul la ségrégation dont la Mère Patrie se dédouane en feignant la transparence pour mieux nous endormir sur les points d'importance. On tire sur la corde sensible par le biais des massacres perpétrés, en toile de fond, et ce grâce à une photographie esthétisante et des plans de mise en scène insignifiants (littéralement) mais solennels. On tente de nous faire déglutir une circonspection de façade en réponse aux postures définitives adoptées par l'un et l'autre bord, mais le raisonnement des protagonistes trouve son cheminement dans une analyse grossière des éléments en présence. Le casting est d'une relative médiocrité, ce qui n'aide pas vraiment à transmettre aux consciences du Monde Libre cet appel serein du FSB nouveau.
12 est un film complexé qui chie de travers les stigmates de son lourd patrimoine, travestit la matérialité dans des atours romanesques d'une abstraction palpable. Je l'ai tout de suite assimilé à un film de propagande, mais lorsque j'ai parcouru les diverses entrevues occidentales du réal', la confirmation était faite. Mikhalkov est un proche de Poutine, il ne s'en cache pas, c'est précisément de cette manière qu'il drape ses intentions premières dans une étoffe de Vérité, que mon flanc vertueux a, curieusement, quelques difficultés à recevoir.