L'accueil fut triomphal à Cannes et le succès public ne fait pratiquement aucun doute, en attendant des César prévisibles : 120 battements est-il donc le chef d'oeuvre annoncé ? Pas tout à fait, pourtant. Ce passage à l'Act (Up) est très pédagogique en son début, ce qui peut se comprendre, vu que tout le monde n'a pas connu les années terribles du Sida ou a oublié, pour les plus anciens, les ravages de la maladie et le militantisme des membres d'Act Up. Le film se construit en trois temps, à de nombreuses reprises : la discussion (lors des rencontres hebdomadaires de l'association), l'action (violente et radicale), l'émotion (les histoires d'amour). Une triple exposition qui ne sera brisée que dans la dernière partie du film qui voit l'intime prendre le pas sur le collectif, qui touche certes mais avec une narration plus classique qui fait regretter quand le film est plus teigneux et moins consensuel (avis subjectif évidemment). On retrouve le Romain Campillo d'Eastern Boys dans des scènes de danses où les corps oublient la douleur et atteignent la transe. Là encore, l'aspect répétitif de ces moments empêche d'y adhérer tout à fait. De façon évidente, Campillo a voulu marier réalisme et symbolisme en stylisant parfois sa manière, démarche compréhensible pour éviter au film de n'être que militant ou encore un requiem tragique. Le mélange des genres fonctionne sur un mode trop systématique pour convaincre pleinement mais reconnaissons une valeur précieuse de témoignage et d'hommage. Le cinéaste a consacré beaucoup d'énergie à la direction d'acteurs et il est pleinement récompensé : Nahuel Perez Biscayart, en particulier, est formidable dans un premier rôle exigeant auquel il se donne corps et âme.