Dans un sens, François Gaillard est un peu le Jean Rollin contemporain. Un apprenti cinéaste aussi enthousiaste que passionné qui s'évertue à s'adonner au genre horrifique contre vents et marées et pas mal de moqueries de la part des professionnels du cinéma, voire même du public. Malgré tout, l'homme ne baisse pas les bras et persévère en offrant très sincèrement le meilleur de lui-même depuis déjà 21 ans, ce qui reste indéniablement valeureux.
Cinquiième long-métrage du scénariste-réalisateur, 13 Notes En Rouge est malheureusement ultra référencé et se regarde comme un énième hommage au cinéma que Gaillard vénère. Et même si un point de vue personnel de la part du réalisateur s’immisce discrètement à l'écran, il n'en reste pas moins que les évidentes références revendiquées (de Mario Bava à Norifumi Suzuki en passant par Sergio Martino, Dario Argento, Lucio Fulci, Brian De Palma, les productions sixties de la Hammer ou encore certains TV films érotiques français) s'accumulent perpétuellement jusqu'à l'overdose. Avec un script onirique cosigné ici par Guilhem Sendras, 13 Notes En Rouge mange à tous les râteliers du genre en n'ayant jamais peur du dérisoire.
Dés l'introduction, l'imagerie BDSM s'impose avec cette femme enchaînée dans une cage et qui implore une forme de pitié plutôt mal interprétée. Comme à son habitude, Gaillard fait jouer sa bande de potes qui s'investissent corps et âme à sa passion. Et il aime bien filmer ses amies fringuées comme des escorts, l'ami François. Comme il aime bien les magnifier à moitié nue avec toutes sortes de bestioles (tarentules, scorpions, serpents) qui se baladent sur leur corps et leur visage. S'il a une conception de l'érotisme assez particulière, elle reste néanmoins bardée de clichés fétichistes et de mauvaises idées qui confinent le plus souvent au ridicule. Car il y a souvent des scènes involontairement drôles dans son métrage. Comme il y a des scènes où l'humour est prémédité, mais où l'effet escompté n'agit pas forcément. Sûrement à cause de dialogues terriblement mal rédigés et forcément mal exprimés par deux jeunes actrices pourtant très impliquées mais franchement pas aidées par l'indigence scénaristique. Enfin, si on peut appeler cela un scénario. Les facilités oniriques permettant de bâcler la trame sans que les auteurs ne se cassent trop la tête.
À son réveil, suite à une soirée dont elle semble avoir tout oublié, Charlotte assiste au meurtre barbare de son amie et colocataire Chloé. Le meurtrier cherche visiblement à récupérer un objet qui lui a été dérobé la veille au soir et va exacerber son sadisme pour arriver à ses fins. Dans un pénible effort, Charlotte va tenter de se remémorer la nuit passée...
Grâce à une série de flashbacks, le spectateur comprend peu à peu le pourquoi du comment de la situation éprouvante que subit l'héroïne face aux menaces de tortures qu'un clone d'Humungus ne cesse d'éructer derrière une fragile porte d'appartement. S'enchaîne alors le déroulement d'une soirée lors d'une fête privée où une sensualité érotique est prônée et où les deux colocs débarquent. Rythmées par de l'electro en mode sous-Simonetti, sous-Frizzi et sous-Justice (duo qui fait déjà du sous-Daft Punk), il va sans dire qu'il faut kiffer ce type de sous-hommages musicaux pour y trouver son compte. Bien que la musique dans son ensemble soit ici un peu plus fine que l'horrible score électronique de Rebotini pour le Lunettes Noires d'Argento, produit la même année. N'est pas Mike Banks qui veut. Quoi qu'il en soit, la torture sonore n'épargne personne, pas plus que la stylisation ultra léché et ultra référencé des images qui défilent dans un montage souvent nerveux, voire même parfois épileptique.
Alors oui, il y a du mieux et nous sommes à 100 000 lieues de la médiocrité et de l'amateurisme des premières œuvres de Gaillard. 13 Notes En Rouge (titre hommage et détourné du 7 Note In Nero de Lucio Fulci), s'est vu réalisé sur 10 ans, avec les moyens du bord et une bande de potes qui souhaitaient simplement s'amuser et passer un chouette moment entre eux. Un objet filmique certes à la gloire d'un genre, mais qui n'a malheureusement aucune approche artistique à l'image de celle du talentueux duo Hélène Cattet / Bruno Forzani qui s'approprient les mêmes codes en les transcendant pour toujours mieux les renouveler. Gaillard, lui, reste un simple copiste, voire un simple pasticheur et c'est dommage car sa passion déborde.
Débarrassé de ses satanées influences qui lui collent trop à la peau, l'apprenti artisan deviendra peut-être un cinéaste. Et avec un bon scénariste / dialoguiste sous la main, il arrivera certainement à offrir un beau personnage à Jeanne Dessart. Elle le mérite grandement, de par sa violente implication physique ici.