« 2010 » souffre beaucoup de la comparaison avec son prédécesseur. Devenu trop explicatif, tout le mystère s’évapore intégralement. Bien sûr, la continuité était rigoureusement impossible, Kubrick demeurant inimitable dans son style. Mais quelques passerelles auraient été bienvenues tant la rupture formelle est violente.
« 2001 » avait au maximum expurgé les dialogues et s’était concentré sur une trame ténue destinée à mettre en exergue un spectacle sensoriel tétanisant, aux frontières du film psychédélique, une folie visuelle qui interloque encore aujourd’hui. D’ailleurs cette prise de risque avait failli mener au désastre, tant la première divisa l’assistance de l’époque, complètement médusée par le minimalisme jusqu’au-boutiste de Kubrick. Toutefois, un mythe était né et traversera les époques, inaltérable, continuant d’inspirer encore les cinéastes modernes (Scott, Nolan, Refn pour ne citer que ceux-là).
« 2010 », de son côté, se contente d’un récit classique, calqué probablement sur le roman d’Arthur C Clarke. L’histoire et les personnages s’étoffent mais on perd ces moments de pures contemplations extatiques. Il faut insister ici sur l’avant et l’après « 2001 » dans la définition de la science-fiction. Kubrick a créé là un mètre-étalon auquel tout réalisateur du genre allait désormais devoir se confronter.
Au-delà même, il a redéfini le cinéma tout entier, introduisant un symbolisme omniprésent, en particulier en répétant à l’envi la rotation comme illustration du cycle de la vie et par extension de l’univers. Ce symbolisme fut appuyé par un rythme nonchalant, composant essentiel pour impressionner durablement l’inconscient collectif. Et à cela s’ajoute aussi une dimension sonore particulière, où la première partie surlignée par une musique classique tonitruante laisse ensuite place à un quasi-silence mortuaire, où l’humain se retrouve seul face à un mystère insondable. Cette conjonction d’éléments méticuleusement choisis va concourir à sculpter un tout d’une grande cohérence, portant le « space opera », sous-genre kitsch et moqué, vers les plus hautes sphères.
« 2010 » reste divertissant, mais « 2001 » pose des jalons autrement plus ambitieux. Il ne faut pas oublier que son tournage a duré 7 mois pour un total de 500 heures de rush, sans compter 2 ans de postproduction. Ces chiffres sont juste là pour souligner un travail de fourmi, d’une minutie absolue où rien à tout niveau n’a été laissé au hasard. « 2001 » transcende le divertissement et s’installe simplement dans une autre dimension que peu d’oeuvres peuvent se targuer de tutoyer.
Donc, si Peter Hyams a rendu une copie honorable, « 2010 »n’approche en aucune manière son illustre modèle.