Par où commencer ? Il faut que j'explique pourquoi 2046 est mon film préféré ? Il est difficile de trouver les mots pour expliquer d'une manière juste ce qu'on éprouve lors d'un moment d'émotion ! Surtout lorsque celui-ci dure 130 minutes.
Si vous avez vu 2046, faites-moi le plaisir d'écouter son thème principal en parcourant les critiques. Version percussion, version rumba selon l'humeur. Peut-être qu'il réveillera chez vous, comme il le fait chez moi, les émotions que le film a suscité.
J'ai été profondément émue par la psychologie si complexe des personnages, à l'image de celle des gens réels. Je me demande quel niveau d'intelligence est requis pour écrire de telles histoires. Je me demande s'il ne faut pas être un génie des relations humaines, ou s'il ne faudrait pas forcément les avoir vécues...
A dire vrai, le tableau que 2046 nous peint, c'est inlassablement cette sorte d'état d'errance provoqué par les déceptions amoureuses. Monsieur Chow est la victime, il est pris au piège dans une condition dégueulasse de blocage qui annule toute possibilité de guérison. Endeuillé, enfermé, il n'est pas disponible et ne peut recevoir aucune rencontre. Il n'est prêt que pour les relations sans investissement, des aventures sans lendemain, des événements sexuels. Il parait que cet état cesse avec le temps. "Combien de temps ai-je passé dans ce train ? La solitude me pèse..." 2046 évoque aussi, bien sûr et c'est pour ça que sa psychologie est complète, l'autre côté : les victimes que cet état d'errance cause... qui, elles, n'ont plus que la tristesse et la jalousie comme compagnes.
2046 peint aussi le clivage des émotions grâce à l'androïde au mécanisme à émotions différées. Elle me fait penser aux réactions dissociatives du traumatisme où on pleure des années après avoir eu envie de pleurer... ("Autrefois, quand on avait un secret que l'on ne voulait confier à personne, on allait dans la montagne creuser un trou dans le creux d'un arbre pour y chuchoter son secret. Puis on rebouchait le trou avec de la terre alors le secret était bien gardé pour l'éternité."),
Parler de 2046 sans évoquer la beauté de ces images, de ces plans, de ces couleurs est sacrilège. Wong Kar-Wai est définitivement le réalisateur qui sait le plus me plonger dans un état de contemplation, d'admiration. Je me rappelle surtout de ces plans sur le toit de l'hôtel, de ces scènes d'amour, de cette scène dans le taxi. Ces images sont toujours accompagnées d'une musique stupéfiante et encore une fois si juste. 2046 est une expérience auditive à part entière.
Pour moi, 2046 est en soit une grande leçon de justesse. Ma critique est profondément personnelle : ce film me fait de la peine mais me guérit toujours. Sublime, il est simplement, d'une manière très humaine, un exutoire. J'ai l'intime conviction que je pourrais le regarder à n'importe quel moment de ma vie et m'y identifier pour toujours. Un grand moment de poésie.
“Love is all a matter of timing. It’s no good meeting the right person too soon or too late.”