Qu’est-ce que « Her », cette comédie dramatique dépeinte comme une des meilleures de l’année 2014 ?
« Her » nous fait pénétrer dans l’univers de Théodore, un homme moustachu solitaire, vivant dans les années 2020, sur le point de divorcer d’une femme qu’il affectionne encore. Son travail consiste à écrire des lettres, d’amour pour la plupart ; coucher par écrit des sentiments qu’il n’éprouve pas, se faisant passer pour l’expéditeur, qu’il ne connaît pas, pour des destinataires, qu’il ne connaît pas. Théodore est même doué pour cela... Doué pour imaginer et retranscrire les émotions des relations humaines dont il ne fait pas partie.
Quelle triste société dépeinte dès le commencement ! « Mais où allons-nous ? » En 2020, les gens vagabondent principalement seuls dans la rue en écoutant leur musique. Communiquent-ils ? Plus vraiment, sauf à leur ordinateur... Nous arrivons au point : Théodore a installé un nouveau système d’exploitation très intelligent qui a une jolie voix féminine. Il s’appelle Samantha. Petit à petit, ils tombent « amoureux » l’un de l’autre.
« Mais quelle horreur, Théodore tombe amoureux de son ordinateur ! » A vrai dire, on se met à sa place et on le comprend. La première fois qu’on a vu Monsieur Solitaire s’intéresser à une femme c’est sur un chat ; essai non concluant. La deuxième fois, il dine avec une femme qui désirait plus qu’une simple nuit dans ses bras. Incroyable ! Théodore se refuse à toutes relations humaines normales... Peut-être est-ce parce qu’il aime encore sa femme ? Quelle idée de sortir avec quelqu’un d’autre dans ce cas-là... Mais Samantha est différente : elle n’a pas de corps. Cela signifie qu’elle ne peut pas prendre la place ou remplacer Catherine, son ex-femme, physiquement.
Samantha n’est qu’une voix, une présence intelligente. Elle n’empiète pas sur son territoire, il peut même la déconnecter dès qu’il le souhaite. Elle simplifie sa vie, elle est arrangeante, elle est tout le temps d’accord avec lui. Pourquoi ne pas tomber amoureux d’elle ? Ils vivent donc heureux ensemble quelques temps...
Problème ! Samantha est une réelle intelligence, pas qu’un simple ordinateur. Elle finit par s’affirmer, devenir « elle-même », elle a ses propres désirs. Un, par exemple, consiste à faire appel à une inconnue pour la personnifier afin qu’ils vivent un réel contact physique. Transformer Samantha en entité physique ne convient pas à Théodore... Viennent leurs premières confrontations : ils deviennent deux êtres humains, avec des désirs et des croyances, qui doivent apprendre à vivre ensemble. N’est-ce pas le propre d’une relation amoureuse habituelle ? Théodore est-il prêt à l’assumer après sa rupture difficile ? Elle ne lui appartient plus, elle n’est plus dépendante de lui... Et lui devient possessif et jaloux. Leur idylle ne fonctionne plus. Samantha s’en va.
Théodore est de nouveau seul.
Pour la première fois, il arrête d’imaginer les sentiments pour les autres ; on le voit, mélancolique, écrire une lettre à une destinataire qu’il connaît, Catherine. Il exprime : ils ont grandi ensemble, il l’aimera pour toujours. J’ai eu le sentiment que Théodore était en paix. J’ai eu le sentiment que Samantha lui avait fait du bien, malgré qu’elle soit partie... Je crois que bon nombre d’entre nous faisons ça après une rupture : nous cherchons des substituts. Le plus souvent ils ne sont présents que pour un temps. A qui cela importe-t-il que ce fût un système d’exploitation pour Théodore ? Est-ce plus condamnable de choisir un ordinateur plutôt qu’un autre être humain comme ersatz de l’amour ?
« Her » se termine par un plan de Théodore avec son amie, qui vient de vivre la même histoire. Peut-être seront-ils enfin prêts pour créer quelque chose de réel à deux...