Sur une période de 4 ans, Walt Disney va tenter l'exploration du cinéma en images réelles avec l'aide de fonds bloqués au Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre Mondiale sur le territoire anglais. Plus par contrainte que par passion d'ailleurs puisque le papa de Mickey voulait au départ poursuivre l'animation dans ce pays mais, ne trouvant pas d'animateurs, il s'est résolu à franchir une nouvelle étape pour son studio: La production de films Live.
Débutant avec le très réussi L'Île au Trésor en 1950 puis par la suite avec Robin des Bois et ses Joyeux Compagnons, La Rose et l'Épée et Échec au Roi, les films ne marchent pas suffisamment bien et Walt Disney finit par abandonner la production de Disney Live au Royaume-Uni. Mais il s'en va avec la conviction que l'exploitation des films en images réelles peut toujours démarrer une nouvelle ère pour sa compagnie. Pour sa prochaine production, il va donc viser bien plus haut et adapter le roman culte de Jules Verne: Vingt Mille Lieues sous les Mers.
Tous les moyens vont être réunis pour faire de cette superproduction un grand film. L'Oncle Walt va commencer par faire appel à Richard Fleisher, réalisateur de L'Énigme du Chicago Express, pour mettre en images cette grande aventure, ayant été convaincu par son travail sur le CinemaScope dans Arena. Grand changement aussi pour le casting puisque ce sont des stars méga-populaires qui sont pour la première fois engagées chez Disney: La légende vivante Kirk Douglas (Les Ensorcelés), le charismatique James Mason (Jules César), Peter Lorre (M le Maudit) et Paul Lukas (Angoisse).
Aidé d'un budget de 5 millions de $ et d'une équipe ultra-compétente (ce qui vaudra carrément à son chef décorateur l'Oscar de la meilleure direction artistique), 20 000 Lieues sous les Mers est irréprochable sur le plan technique! Le choix du CinemaScope fût très intelligent pour accentuer le sentiment d'enfermement dans les couloirs du Nautilus, sous-marin gigantesque à l'architecture superbe! Richard Fleisher profite de son espace pour enchaîner les séquences d'anthologie (l'attaque du Calamar) et maîtrise à la perfection son outil.
Là où le roman de Jules Verne était surtout une succession de découvertes et de présentations du monde sous-marin, l'histoire de 20 000 Lieues sous les Mers est plus construite et s'axe davantage sur la caractérisation de ses héros. Nous arrivons à prendre tout ça au sérieux puisque le ton du film est très adulte. On est loin du film pour enfants que plusieurs pourraient attendre d'un Vingt Mille Lieues sous les Mers version Disney. À l'exception d'un Kirk Douglas chantonnant avec une otarie (chanson excellente d'ailleurs), le film de Richard Fleisher ne cède jamais au manichéisme facile.
20 000 Lieues sous les Mers tient également grâce à la définition parfaite de ses personnages principaux confrontant pendant 2 heures leurs idéaux et leurs visions du monde. D'un côté, Nemo, rongé par la haine et la tristesse et ayant franchi le point de non-retour, Arronax, homme rationnel persuadé qu'il peut aider le capitaine et le ramener à la raison et enfin Ned Land, harponneur se fichant royalement de l'expédition et n'ayant pour seul objectif que de sauver sa peau mais le tournant que va prendre leur odyssée sous-marine va rappeler à tous ce qu'est le sens d'être humain.
À sa sortie, 20 000 Lieues sous les Mers est acclamé par tous et par toutes et devient rapidement un immense succès en plus de marquer une étape importante dans la filmographie des Studios Disney: Leur première grande réussite critique et commerciale dans le domaine des films Live. De nos jours encore, il est perçu comme l'oeuvre en images réelles la plus aboutie de la Compagnie aux grandes oreilles aux côtés du chef-d'oeuvre Mary Poppins. Du grand spectacle. Divertissant et intelligent.