C'est la quatrième fois que je vois 28 jours plus tard, l'incontestable père du film-de-zombie moderne et encore aujourd'hui icône du film post-apocalyptique. Je pensais initialement que ce qui me fascinait dans ce film était la mise en scène d'une humanité disparue et ses paysages urbains désertiques. Or, ce revisionnage m'a conduit à changer de point de vue. Ce qui est le plus intéressant dans ce film, c'est la dualité qu'il démontre, le clair-obscur de l'humain partagé entre moments de grâce et de beauté, et moments de cruauté sanguinaire.
Car le film nous parle bien davantage des humains que des monstres, n'hésitant pas à faire des hommes non-infectés de bien pires personnages (ce qui donne raison au commandant du "refuge" et sa réplique "Il n'y a pas d'infection, juste des hommes qui s'entretuent"). Mais la subtilité du film réside dans le fait qu'il ne dresse pas un portrait uniquement déplaisant et pessimiste de l'humanité, il nous lie au destin de personnages principaux attachants (Jim, Selena, Frank et sa fille Hannah). L'Homme est un loup pour l'homme, certes, mais l'homme sait aussi rire, sourire, aimer. Le film montre subtilement la situation intérieure de ses personnages, partagés entre désespoir et fureur ("rage") de vivre, fureur qui s'oppose frontalement à celle des infectés, eux aussi furieux, mais n'ayant aucun but. Trois scènes du film hurlent ce message. La première se situe au début du film, quand notre groupe franchit le tunnel et retrouve un éclair de joie dans la prise de risque insensée de Frank (notons que dans un autre film, le spectateur aurait hurlé au scandale scénaristique tant cette scène est excessivement irréaliste, mais ici nous voulons y croire, de par le fort attachement aux personnages, et la mise en scène maitrisée). La deuxième scène est celle du magasin où nos personnages se ravitaillent, et s'en donnent à cœur joie (quatre bouteilles d'un Whisky visiblement de bonne facture, notamment). Le film agit en catharsis en mettant en scène ce que nombreux ont fantasmé: l'absence d'autorité qui nous permet de succomber à tous nos désirs matériels sans nous ruiner. La joie des personnages est rendue par la bande son aussi habile que belle signée John Murphy.
Enfin, la troisième scène de ce genre est celle de l'escale de nos personnages dans les ruines et le pré sauvage. Les héros sont représentés dans toute leur humanité, leurs désirs (nos deux héros succombent l'une à l'autre) mais aussi leurs peurs (peur de l'abandon dans le cas du personnage principal, qui l'a déjà éprouvé et craint que cela ne se reproduise avec sa nouvelle "famille"). C'est aussi dans cette scène que se scelle le lien entre les personnages précédemment cités, ainsi que l'empathie du spectateur pour ces derniers.
Mais ensuite, Danny Boyle offre une vision alternative de l'humanité, une humanité plus sombre réduite à la trivialité et la haine, incarnée par les soldats du refuge. Leur nature souffre de tous les travers d'une masculinité exacerbée, leur existence est rythmée par la violence et ils y répondent par une surenchère dans la violence, à l'opposé donc des premiers personnages, qui choisissent de s'accrocher à ce qu'il reste de l'humanité.
Cependant, une fois ces deux humanités antithétiques présentées, deux questions subsistent. Lequel de ces deux rapports à la survie fonctionne, lequel assure la survie de ses personnages ? Et quel portrait correspond le plus à l'être humain ?
En guise de réponse, 28 jours plus tard nous livre une ambiguïté. La scène finale laisse à première vue optimiste pour nos héros, mais certains détails laissent penser que cette fin n'est que fantasme, et que la réalité est bien plus noire.
Lorsque Jim se fait soigner après l'accident avec le portail du refuge, on distingue un plan avec la maison "havre de paix" dans laquelle ils sont réfugiés, qui est retournée, et où l'on peut lire le terme "Hell" (enfer) au lieu du "hello" écrit à destination de l'avion que vient les secourir.
De même pour la scène de l'avion de ligne, où il parait difficile d'affirmer avec certitude que ce que voit Jim est réel, celui-ci étant en état de choc.
Le film s'adresse donc à deux publics différents, leur laissant libre interprétation de la diégèse et de son dénouement.
Je mettrais la note maximale à ce film si on ne pouvait déplorer son image, qui laisse perplexe durant les premières minutes du film (la première scène dans le laboratoire est visuellement confuse). Néanmoins, 28 jours plus tard est selon moi un grand film, qui a fait et fera date.