Je mets de côté les réserves que l'on peut avoir en s'attendant à un film historique. Il n'en s'agit pas d'un, mais plutôt d'une fantaisie d'inspiration historique. À ce titre, le parti pris esthétique évident de coller à l'univers visuel de la bande-dessinée source aurait dû mettre la puce à l'oreille à tous les Jean-Historien du dimanche.
Outre le spectacle visuel, un brin bourrin, que d'autres commenteront mieux que moi, je trouve que ce film se distingue en illustrant des valeurs fortes allant, par certains aspects, à rebours de l'air du temps, de la compassion béate, de l'individualisme inconséquent, de l'héroïsme solitaire, ou de l'apathie générale.
Face à un ennemi supérieur en nombre et des alliés qui se débinent, 300 braves se sacrifient pour donner aux grecs une chance de triompher dans le futur. Certes, il n'est pas nouveau qu'une minorité déterminée a plus d'influence qu'une majorité silencieuse et absente. Mais si l'éthos proposé apparait en décalage complet avec le culte du Moi et l'exploration des problèmes personnels ou psychologiques, c'est parce qu'ici la résolution des enjeux tiens aux groupes, non aux individus. Nos spartiates croyant en un idéal plus grand qu'eux, avancent tous ensemble pour le réaliser, à l'opposé d'un film de superhéros (dc/marvel) dans lequel chacun, doté d'une personnalité, de forces, et de faiblesses particulières, se fédère temporairement à d'autres dans le but d'accomplir leur objectif commun. Le groupe incarné par les spartiates n'est pas un agrégat d'individus mais un collectif, c'est à dire un tout supérieur à la somme de ses parties.
Dans cette optique, l'individu isolé ne peut que trahir. Ce sera le cas de celui, difforme, qui n'a dû sa survie à la naissance qu'à la désobéissance égoïste de ses parents. Pourtant rien n'apparait inéluctable. Son acte aurait pu être évité, soit en l'intégrant au groupe, soit en l'ayant tué à la naissance comme cela était la coutume. La trame narrative du film, bien que s'inscrivant dans la tragédie, n'en met pas moins en valeur la puissance des choix, car aucune force n'écrase ces hommes, les obligeant à prendre les bonnes ou les mauvaises décisions. Armés de leur courage et de leur libre arbitre, nulle fatalité ne s'impose à eux.
Enfin, après lecture d'autres critiques, je constate que certains veulent y voir un film de droite à l'américaine, dans lequel des mâles blancs virils se battent contre une invasion de noirs et d'arabes. C'est une interprétation possible, peut-être car les positions politique de l'auteur de la BD vont parfois dans ce sens. Cependant je trouve ça triste, et biaisé, d'aborder l'œuvre avec ce genre de considérations, en ne prenant pas la peine de la dissocier de l'artiste ou d'y chercher une vision plus personnelle de ce qu'elle peut nous apporter. Car on peut très bien la présenter comme tenant des positions exactement inverses : des bonhommes en slip, musclés, huilés, chaque instant pouvant tourner au porno gay ; une volonté de domination militaire, plutôt que culturelle, comme au bon vieux temps de l'Union Soviétique ; des êtres représentés comme masses plutôt que comme individus ; des spartiates tous égaux entre eux, et dépouillés matériellement, par opposition à la richesse et à la hiérarchie des perses ; tous cela fleure bon l'extrême gauche, n'est-ce pas ? Vous y pourrez y voir ce que vous voudrez y voir, je vous conseille donc de laisser de côté les œillères idéologiques et d'embrasser toute l'ambigüité du film.