L'ambition de 300 hommes se résume à sa dernière scène de fin et à ses crédits : Hacine dit qu'il enterra tout le monde, avant d'apparaitre in memoram dans le générique. Ce n'est pas le seul à être décédé entre le tournage et la projection, l’espérance de vie à la rue est de 56 ans.
Le film propose par contre un angle intéressant pour raconter cela. Plutôt que la grande leçon didactique, on suit le quotidien d'un centre d'accueil de nuit, sur plus ou moins 24h. On avance par touche, en écoutant ce que ces gens à raconter. Au début même on ne sait pas trop qui est qui, ni ce qu'ils font, mais petit à petit l'histoire se construit. Petit à petit on comprend que le premier enjeu est la solitude, on comprend que la mort fait partie du quotidien et que quand on a 20 ans, on touche du bois pour arriver à 40, que la seule porte de sortie, c'est celle qui donne sur la rue.
Le procédé est doublement efficace. D'une part on construit par l'exemple, on apprend en considérant les hommes plutôt que leur histoire, leur catégorie ou leur problème. Ensuite on apprend à connaitre ces hommes dans ce qui est un cadre de confort, voire de réconfort, pour eux, plutôt qu'au fin fond de leur misère. Du coup des scènes peuvent être drôles, chaleureuse, jamais larmoyante, pas le temps pour ça de toute façon. Ça n'en souligne que plus toute leur difficulté, qui dépassent largement le simple fait d'être à la rue. C'est là que le film est très fort, faire un film sur les SDF qui ne soit pas un film sur la rue, et c'est particulièrement touchant.