Que 300 ait été une vision américaine de Sparte c’est une évidence, mais le film avait le mérite d’être extrême et subversif dans son idéal militariste en conservant une part de la personnalité de Frank Miller. La vision d’auteur disparue (le film se dit l’adaptation du roman graphique Xerxes … qui sort après lui), 300 : Rise of an Empire est le produit d’un système et n’a plus de valeur que comme symptôme. Adieu donc les guerriers spartiates psychopathes et fanatiques, bonjour aux fermiers athéniens, aux cowboys devenus marines qui démembrent des orientaux pour défendre leur famille, leur patrie et Dame Liberté ! (hormis « cowboys » et « marines », tous les mots sont tirés du film).
Dire que l’Amérique est un nouvel empire romain est devenu une tarte à la crème et, comme Rome, elle n’aspire qu’à une chose : être grecque, être apparentée au mythe d’une fédération démocratique, phare de la culture occidentale face aux hordes barbares qui la cerne. Mais pour accomplir cette mythification, il lui manque un fait d’arme : avoir repoussé une invasion étrangère sur son sol. Le 11 septembre et la guerre contre le terrorisme l’ont privée de l’opposition frontale glorieuse qu’elle n’a pas connu depuis la seconde guerre mondiale. Du coup les fantasmes surannés d’invasion russe se
multiplient (Call of Duty, Battlefield, Freedom Fighters, un remake de Red Dawn …).
300 : Rise of an Empire répond à ce désir et s’ouvre donc sur une bataille de Marathon revue comme un débarquement de Normandie inversé : les barges noires des Perses s’écrasent sur les côtes pluvieuses de la Grèce et se heurtent à la résistance de Thémistocle (avec coupe de cheveux réglementaire et barbe de trois jours) et de ses fiers citoyens-soldats. C’est d’ailleurs la grandeur d’âme du général qui cause sa perte puisqu’il décide de ne pas abattre le prince Xerxès après avoir tué son père Darius. Le ton est donné.
Pourtant,la Némésis d’Athènes n’est pas tant l’empire perse dont les soldats meurent par milliers dans les improbables escarmouches grecques mais Artémise, fantôme d’une mauvaise conscience passée, fruit de l’esclavage et d’exactions de guerre commises sur des civils. C’est elle, double maléfique de Thémistocle, qu’il faut abattre avant de réussir l’union sacrée et de signer le Patriot Act sur les cendres du martyr des 300 et du sac d’Athènes. Le seul vrai danger que courent les Grecs serait de douter du bienfondé de leur grandeur et de la Liberté qui a agacé (sic) Darius et l’a poussé a entrer en guerre contre eux.
Il n’y a donc pas grand intérêt à préciser que la réalité historique malmenée par Frank Miller et surtout Zack Snider dans 300 passe ici aux toilettes, que la mise en scène grandiloquente tourne à vide et que la structure narrative ne fait que reprendre celle du film précédent et des poncifs les plus communs : ces faits sont dictés par la nature même du film. En effet, une fois le générique venu, on a l’impression d’avoir assisté à la psychanalyse de quelqu’un d’autre, avec ses grands fantasmes et ses petites mesquineries. On est embarrassé.