Il n'aurait pas été incongru de voir 3 From Hell débarquer tranquillement dans les salles alors que le KO le plus total règne depuis six mois. Oui, le dernier bébé de Rob Zombie aurait pu allègrement se frayer un chemin dans le plaisant n'importe quoi de la programmation actuelle des exploitants entre le retour du film de Kung fu candide (Ip Man 4), le film d'horreur shooté à travers des verres progressifs (The Vigil) ou la comédie ricaine de qualité by Apatow. Dans ce bazar où seul le cinéphile se reconnait dans cette atmosphère de fête du cinoche typique des années 90, la cour des miracles aurait pu accueillir en son sein la lueur au fond du tunnel ou le fameux tintement dans le creux de l'oreille signe du plaisir intime et personnel qui ne convient pas au spectateur lambda. Parce que oui il souffle un vent de liberté (pour ne pas dire un pet) sur l'oeuvre du grand Rob.
Le consumérisme à outrance, le robinet à images symbole des médias bourratifs, la montée en puissance des extrêmes, les malversations politiques, le manque de civisme, les associations protectrices grandissantes, le progressisme agressif, le simple visionnage de 3 From Hell permet de synthétiser les maux de toute une époque. Non pas que le sequel de The Devil's Rejects ait été sciemment pensé pour cracher gratuitement à la gueule du premier venu mais plutôt avec pour dessein de marquer le ras le bol par un geste artistique envers tous les diktats et les bourrages de crâne de la vie quotidienne. Notre société occidentale de plus en plus façonnée par la moralisation et la pensée unique aurait peut être trouvée son remède. Rob avait-il vu son film sous cet angle alors que le monde est en pleine mutation amenant un questionnement sur la nature même de ses images ? Car il serait très facile de cacher les miettes sous le tapis en invoquant l’influence les films d’exploitations et en l’occurrence les films de prison pour expliquer la branlée que se prennent deux lesbiennes face à une Baby Firefly plus enragée que jamais. Le geste n’est-il pas plus tendancieux de la part d’un Rob Zombie hilare de foutre le bordel dans une société qu'il sait malade et prête à se flageller à la moindre parole de travers. Toutefois, la sortie limitée sur le territoire américain et les diffusons progressives sur supports physiques et VOD n'auront aucun moyen d'atteindre leur but à savoir secouer le cocotier de la bonne morale bien grasse susceptible de faire se relever la nuit quelques lobbys hargneux.
Il est fort à parier qu'aborder l'épineux sujet de la prise de conscience de 3 From Hell aurait de quoi faire sourire le Chevelu. Rob Zombie n’aura pas attendu un ultime uppercut à la fin des années 2010 pour hurler qu’il ne sera pas un exclave du système. Halloween 2 et The Devil’s rejects étaient déjà des étendards à la gloire de la violence et de la bonne baise avec en fond les fantômes de Charles Manson et le bon vieux métal qui tache. Son dernier né se voudrait à l'instar des autres un bon coup de pied au cul ou absolument rien ne résisterait au trio wasp consanguin. A bien y regarder, tous les mythes fondateurs du pays de L'Oncle Sam irriguent la trilogie. La maison des 1000 Morts dessoudait du jeune adulte avec l'entrain festif du folklore de Halloween,The Devil's rejects projetait la famille de tueur dans des décors désertiques métaphore de l'état sauvage. De son côté 3 From Hell nourrit encore plus profondément (et pas toujours de la meilleure manière) la mythologie du trio. Car s'il y est toujours question des dérives de l'américana avec à l'avant-poste les médias intrusifs à la recherche de sensationnel, le film se tournera essentiellement vers ses personnages afin de leur faire franchir le dernier cap de l'iconisation. On ne peut donc pas en vouloir à Zombie de remettre le couvert pour une dernière virée mais il est assez facile d'en repérer les aspects les plus perfectibles. La direction d'acteur en premier lieu avec une Sheri Moon Zombie diagnostiquée en stade terminal de la folie et en second lieu Richard Brake pourtant impeccable dans ses fringues crasseuses de redneck entré au chausse-pied par l'entremise d'une l'écriture vacillante. A partir de ce constat, il appartiendra à chacun de suivre à nouveau les pérégrinations de la racaille du Texas ou...de rester (confortablement) à quai.
Reflet déformant du second volet qui voyait un flic aux méthodes peu orthodoxes s'opposer à la famille de tueurs, 3 From Hell vire à 180° avec le même enthousiasme dans le massacre. Le Shérif Wydell incarnation d'une droite fascisante et seul remède à la sauvagerie des Firefly se voit ici remplacé par plusieurs minorités susceptibles de créer la polémique. Il faut le voir le père Zombie envoyer ses white trash éventrer un couple de lesbiennes mouler dans la caricature, glisser une lame dans la gorge d'une afro-américaine ou descendre à bout portant un mexicain à genou. On l'aura définitivement compris avec cette trilogie, ni les institutions, ni les forces de Police, ni le pauvre ricain blanco de la middle class ou les représentants de la diversité n'auront les moyens de tenir la dragée haute aux Firefly. La chair à canon est celle fournie par la société moderne. Des pions où même des moutons, des entraves tôt ou tard dessoudées sans distinction de classe sociale.
Juchés tout en haut de la chaine alimentaire nos trois tarés finiront leur trip mortifère aux confins du Mexique afin de goûter un repos bien mérité. Au milieu de la fête des morts le trio trouve le métissage culturel et comportemental parfait aux côtés de brutes Hispaniques qui sentent sous les bras et de chicas dénudées. Si la quête doit s'achever ici autant qu'elle se fasse dans le stupre et la violence outrancière. Réellement détaillée comme un concours de bites lors d'un affrontement à la machette, la prise de pouvoir de Otis Driftwood sur une poignée de Mexicains vindicatifs atteste de l'invincibilité d'êtres qui ne tirent jamais leurs forces d'une haine identifiable, d'un atavisme particulier, d'idées d'asservissement ou d'une vénalité. La famille Firefly est un cancer libre qui vaut mieux ne pas croiser et la représentation du paria qui vaque à ses occupations avec un seul talon d'Achille : Les liens du sang. 3 From Hell ne peut être comparer à un doublon opportuniste du second volet mais plutôt à une excroissance filmique où tout semble moins couler de source qu'auparavant.
Cependant, dans ce spleen des dernières retrouvailles, l'anecdote la plus rigolote reste le culte du corps complètement saccagé par le bide apparent d’Otis et l'anorexie de Baby allant presque jusqu'à revendiquer la difformité par le truchement d'extraits du Bossu de Notre Dame de Wallace Worsley. Une question se pose : La laideur est-elle bien plus passionnante que la beauté ? Un dernier message à méditer.