http://youtu.be/NjQ2DgNoHjs

C’est malheureux, mais on est d’accord : Eddie Murphy, aujourd’hui, ça ne veut plus dire grand-chose. A moins d’avoir une passion pour les pétomanes ce qui est, je ne juge pas, ton droit absolu.
Pourtant, il faut se souvenir qu’alors que les Années 80 s’envolaient, elles et leurs cortèges de tornades cocaïnes, de bottes capitalistes aux talons fermes qui écrasent tout, des relents sidéens et du paltoquet Reagan, installé comme un coq en plâtre à la Maison Blanche , s’envolait avec elles un jeune black au sourire carnassier et à la répartie tendance « je t’habille pas pour l’hiver, je te construit un dressing ». Eddie, à l’époque, était ce qui se faisait de mieux pour rire un peu.
Son secret ? Un regard neuf, une verve et un tac au tac fulgurants, une classe doublée d’une cambrure indécente. Eddie, à l’image de cette scène dans le club country (culte par excellence), quand il arrivait, c’était pour tout balayer, par le rire, et si ça te plaisait pas, t’allais en chier des ronds de chapeau. Ce qui est, je me suis laissé dire, plutôt douloureux.
Fort de cette route, cette jungle, déblayée par Richard Pryor et surtout par l’excellent Dolemite, personnage récurrent de la Blaxploitation, inventé, transcendé, incarné avec brio (de Janeiro) par un Rudy Ray Moore qui rappe, drague et pratique un karaté néo-style, à base de bruits avec la bouche et de jambes que tu peines juste à déplier. Et grand amateur de donzelles à la peau chocolat noir, au lait ou blanc (le mec n’était pas raciste, du moment qu’elles étaient), girondes et accueillantes comme un compagnon de cellule qu’aurait pas les mêmes idées que toi derrière la tête. L’humour, tendance black, allait, à l’image de ces jolies années 80 stroboscopiques et putréfiantes, temps désormais révolus où le vide pouvait être monté en lampe, s’envoler et Eddie, allait se crasher pareil, en solidarité totale avec ces années de merde je pense. Ça force le respect, je trouve.
Nick Nolte, c’est pas pareil. Déjà, il est normal. Le cheveu lisse et blond, l’œil azur, les lèvres fines et comme humoriste, il est de l’école « je te lâche un Pit-Bull sur la tronche, histoire de voir si tu rigoles toujours pendant qu’il s’amuse à mâchonner tes roubignoles ». Le genre humour de nazi, pas drôle, nettement influencé par les méthodes Mengele. Tout pour la science car il faut que ça avance. Carrément pas pareil et puis, il m’a toujours fait penser à mon père et pas seulement parce qu’il était alcoolique.
Il me faisait peur, me terrifiait. Son ombre massive qui recouvrait tout comme le malheur, sa voix d’orage qui grondait et me glaçait, me traumatisait durablement, donc, en me faisant trembler comme une mariée un soir de noces. Et puis son visage découpé dans un bout de granit, parachevait ma flipatitude juvénile mâtinée de cette lâcheté paralysante qui semble être un héritage ancestral, lourd, si lourd à porter et dont, mes larges épaules peinent parfois à soulever la masse inerte et handicapante. Comme si j’étais face à un caillou, avec des cheveux blonds. Un truc dur. Que rien ne fissure. Ou alors, avec un bâton de dynamite, mais comme j’ai toujours été un peu maladroit, mon père, n’a jamais voulu me voir traîner près de son stock. Comme pour me protéger, alors que je sais qu’il n’était pas préteur surtout. ‘foiré.
Nick Nolte, c’est pas le blond dégueulasse à la David Guetta. Déjà, il n’a pas une tête d’endive dispensée de sport sur laquelle t’aurait greffé une pieuvre en décomposition. Et puis d’abord, Nick, il n’est pas musicien. Et Guetta non plus d’ailleurs, on est encore d’accord. C’est dingue ce que j’aime parler avec toi, on est souvent sur la même longueur d’ondes, et quand, d’aventure, ce n’est pas le cas, on a cette faculté, cette force qui nous fait trouver à coup sûr un terrain d’entente propice à la culture et à son épanouissement. Ce qui nous place au-dessus des hommes de Basse-Terre et fait de nous de bien belles personnes. Je tenais à te le dire, t’es beau.
Donc Nick est un blond qui mériterait d’être brun. Le genre de mec qui n’aurait pas fait tache dans un Sam Peckinpah, à mâchonner de la poussière et des rancunes, en aspergeant de téquila la blessure suintante qu’il se sera fait en voulant expliquer à un mexicain que sa nana est un peu trop jolie pour trainer au bras d’un poilu mangeur de fayots et qu’a pas vu la flotte autrement qu’en photo. Nick aurait été excellent, c’est une certitude.
Tonton Sam, le desperado du 7ème Art, cette ordure avec laquelle Walter Hill collabora au risque de devenir un assassin ou pire, un fou, et, crois-moi si tu veux, il y a une ou deux scènes où ça se voit.
C’est du Buddy movie comme ça n’existe plus, avec un flic menhir taciturne, toujours levé du mauvais pied vu qu’il a deux pieds gauches. Qui gueule tout le temps, parfumé au bourbon, aimable comme un jour de rage de dent et que le seul antalgique que t’as sous la main est un sachet de tisane Nuit Tranquille à mâcher. La perspective infernale, un peu comme l’idée saugrenue qu’a Nolte d’arborer une coupe de cheveux homologuée 3D qui me fait, du coup, adorer ma jolie tonsure. Colle lui une cigarette au bec, une Cadillac bleue décapotable d’une autre époque entre ses pattes d’ours mal léché et tu as déjà la moitié du concept.
C’est le temps béni où si t’as pas un coéquipier sous la main, t’as qu’à aller en prison t’en choisir un qui hurle Roxanne mieux que Sting. Le genre bronzé toute l’année, avec une grande gueule que tu ne comblerais pas avec du béton.
Car, t’as vu, il y a du lascar sans cœur qui traîne dans les rues de la ville. Un indien, con comme un natif et un petit nerveux, avec un marcel tricoté en grosse mailles par sa môman, je suppose. Des tueurs de flics mon pote, et ça, Nick, ne peut pas le supporter surtout que le petit teigneux en marcel-pull lui a subtilisé son flingue. Je ne sais pas si tu vois le délire ?
Alors voilà, il a 48 heures, mais t’inquiète ça passe mieux qu’une lettre à La Poste, et Reggie Hammond va lui en faire voir de toutes les couleurs. Et l’aider pas mal aussi. La naissance d’une amitié comme on en voit pas tous les jours.
Punchlines du bonheur (« J’ai été 3 ans en taule, alors, un coup de vent et je bande »), violence sèche et sans concessions, alchimie idéale pour que ça crépite, comme de l’huile et de l’eau, pour un polar presque sans temps morts, qui nous offre l’occasion de contempler une pléiade de seconds couteaux comme ça n’existe plus. Non plus. Putain de nostalgie, qui me prend dans ses bras graciles et me bercent doucement, sans jamais soulager son étreinte…
Pour finir, moi, j’ai déniché sur le net, pour un prix « moins cher, c’est du vol » le Bluray, plus affreux qu’une VHS mais, je m’en bats la rotule car, sur la jaquette, il y a marqué : Nick Nolte is a Cop, Eddie Murphy is a Con.
C’est pas moi qui le dis, c’est écrit dessus.
La bise.
DjeeVanCleef
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le 15 févr. 2015

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DjeeVanCleef

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