Être spectateur d’un film n’est pas passivité mais engagement de toute notre présence en tant que témoin et acteur du film qui se joue en nous quand nous sommes dans cette situation de regarder sur un écran extérieur à nous des images et des sons qui mettent en scène la disparition de toute la vie sur la terre, que nous habitons si peu ou pas, et que nous devons quitter tous ensemble à 4h44 parce qu’un cataclysme planétaire approche.
Devant ce film, je me suis mieux convoqué, sensibilisé, à ce que j’éprouve depuis de nombreuses années, voire des décennies d’existence si difficile sur une planète que j’essaie d’habiter, tellement il est ardu de se faire réellement existant dans un espace où nous dépendons tous les uns des autres.
Cela fait longtemps que j’éprouve la folie autodestructrice que nous sommes chacune et chacun et avec les cycles des générations, c’est cette folie, comme un seul homme, qui se sera donné les moyens de se faire sauter tous ensemble. Tous ensemble ! Tous ensemble !
4h44 Dernier Jour Sur Terre d’Abel Ferrara, de tous les films apocalyptiques en vogue ces dernières années, est celui qui m’aura le plus concerné dans mon intime éprouvé de l’atmosphère terrestre dans laquelle nous baignons.
Dans le climat crépusculaire de la fin, un couple vit les derniers instants de toute vie sur la terre. C’est évidemment autre chose que «sa» propre disparition. Être témoin et acteur de la disparition de tout, voilà qui est l’impossible méditation à laquelle pourtant nous concourons.
La mise en scène de ces derniers instants dans le contexte des médias qui tournent à fond de mensonge jusqu’au bout — ne vous inquiétez pas, nous avons la situation sous contrôle, jusqu’à l’absurde — c’est bien ce que je vis aujourd’hui à travers le dérèglement climatique, les inondations qui se produisent dans de nombreux pays, sans parler de ce théâtre des opérations de la cruauté entre les humains à travers le prétexte économique et du bourrage de mou par les médias et la société du spectrale.
Le miroir de ce film, comme ceux de Take Shelter de Jeff Nichols ou Melancholia de Lars Von Trier et les quelques autres de l’année 2011 sont autant de facettes du miroir de notre propre incapacité à faire autrement que de faire «comme si de rien n’était» ou de tenter de se révolter comme cela se produit dans certains pays.
Cette situation «apo» qui est le concret de nos vies quand nous essayons de la vivre est d’une si implacable menace que beaucoup d’entre nous sommes encore si peu sensibles au fait que ce n’est pas au cinéma que cela se passe, mais que le cinéma contribue soit à intensifier la propagande de l’autodestruction générale soit, comme 4h44, à nous sensibiliser à nous-mêmes à travers ce couple qui est obligé de se sortir un peu (pas beaucoup selon moi !) du mensonge de l’ignorance qui nous fabrique et qui fait que, après tous ces cycles de civilisations, de religions, de philosophies, de sciences, d’art et de culture, c’est l’économie du désir conflictuel en nous qui jouit (quelque part !) de ce géocide où personne d’extérieur n’est responsable. N’est-ce pas l’humain dans sa fabrication qui génère en lui à travers la représentation du «monde», la dyade bourreau-victime ? Réversible toujours comme le montrent les événements de l’histoire criminelle de la planète d’aujourd’hui.
Il faudrait faire le film le plus intransigeant qui soit, s’il en est encore temps et la nécessité, qui mette en image et en son ce que le cinéma a tant de «mal» à dire et en fait, voile encore et toujours. 4h44 s’en approche, le voudrait mais…
Il me revient à l’esprit Le sacrifice de A.Tarkovski, qui reste selon moi l’approche la plus profonde de ce que nous vivons si peu aujourd’hui, et qui nous menace.
À quelle heure ? Quel jour ? It’s a long way to apocalypse-now !!!

Aurelien-Real
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le 2 mai 2017

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