L'influence d'une Frontière sur la famille Burnat (FAC)

Ensemble de notes prisent pour un exposé sur 5 Caméras Brisées de Emad Burnat, dont je vous offre un aperçu plus littéraire dans cette critique. Le sujet de l'exposé était de parler l'idée des frontières présentent dans le documentaire.


5 caméras brisées est un documentaire franco-israélo-palestinien, réalisé par Emad Burnat, personnage principal du film, et caméraman, ainsi que Guy Davidi qui se fera le passeur de l’histoire, réécrivant quelques textes pour Emad lors des séquences en voix over. Le film sort en 2011, et obtiendra plusieurs récompenses, dont une nomination pour l’oscar du meilleur film documentaire.
On y suit la vie d’Emad Burnat, filmant sur plusieurs années la lutte pacifiste du village de Bil’in, dont les terres sont accaparées par une barrière de séparation entre la Cisjordanie et Israël. Présenté dès son titre, le film montre les enregistrements des 5 caméras d’Emad, représentant chacune une période de la vie d’Emad, clôturant chaque chapitre du film par la destruction de l’un des appareils.


[...]


Emad est à l’origine le caméraman attitré de Bil’in, celui qui filme chaque évènements du village. Très rapidement, le film nous montre l’arrivé des Israélien, ayant pour projet la construction de la ville de Modi’in Illit, ainsi que la démarcation physique des deux pays par un mur. Les villageois se mobilisent rapidement pour fomenter des manifestations pacifique près du mur en construction. Emad filme le conflit à l’échelle d’un village contre une ville. Les rapports de forces sont inégaux. Dès le début du documentaire, le film vient comparer par le montage le travail de la terre par un fellah, un paysan, pour planter des oliviers et celui des pelleteuse et autre bulldozer pour la création du mur.



Pour le paysan-filmeur, l’espace est une terre, élément naturel qui lui permet de survivre et de vivre. La violence faite à cette terre est une violence faite à la vie de la communauté. Camille Bui



Le village est filmé de manière vivante, coloré, la ville en construction est terrifiante, sombre. Durant les manifestations, les villageois sont armés de banderoles et de branches d’olivier. Les Israéliens envoient leur armée, n’hésitant pas parfois à user de leur armes.


Tout au long du film, la lutte qui s’offre sur cette petite portion de terre se fait au nom de deux pays. D’un côté, la Cisjordanie et la Palestine, de l’autre, Israël. Un conflit difficile à résumer. Mais l’intérêt du film est dans la dénonciation des conditions et des évènements que chacun vit. Le film se construit sur la vie autour de cette frontière. Chaque camps va user de diverses stratégies pour mettre à mal l’autre, et tenter de regagner du territoire sur cette frontière parfois floue. Les protestations sont pacifiques, mais peuvent rapidement tourner en quelque chose de bien plus violent. On pense aux israéliens infiltré parmi les manifestants pour semer la panique et le désarroi, l’utilisation d’un enfant mort comme porte étendard par les cisjordaniens ou encore les différentes tentative de constructions interdite chez l’adversaire.
La lutte est faite de tactique pour renvoyer à l’ennemi ses propres fautes. On défait ce que l’ennemi à fait pour refaire ce qui fût défait auparavant par l’ennemi. Une longue lutte qui ne cessera d’être représenté sous diverses formes tout au long du film, malgré les différences de forces entre les deux camps, de chaque côté de cette frontière.


Très tôt dans le film, les manifestants de Bil’in sont rejoints par d’autres citoyens du pays, puis de plus en plus, par des gens du monde entier, apportant, comme le notera Emad, « des idées originales et des formes de lutte nouvelles ». Les mains attachés sur les lieux de constructions de la frontière, ils n’hésitent pas à se mettre en danger pour empêcher la construction du mur. Cela montre à quelle point le conflit qui oppose à l’origine les habitants de Bil’in aux autorités Israélienne, prend une ampleur plus mondiale, poussé par les idéologies communes du monde entier. Un soutien qui peut s’expliquer notamment par la popularité croissante des images d’Emad, encore plus après leur diffusion au cinéma par le biais de Guy Davidi. Le film devient un témoin, la caméra est l’arme qui révèle la vérité. La caméra porte une idéologie et détruit les frontières en rendant ce conflit mondial. Aspect que les habitants de Bil’in auront bien compris l’atout qu’est de prendre à partie le monde entier, en revisitant notamment le film Avatar de James Cameron, citant le héros du film en répétant « Ceci est notre terre », une scène qui n’est pas dans le documentaire, mais que j’ai trouvé intéressant de vous partager.


Durant le film, on assiste à l’arrivé de Gibreel au sein de la famille Burnat. Il est le quatrième film d’Emad. Il né en 2005, en même temps que le début de la lutte collective à Bil’in. Le montage partage donc à la fois ce combat, mais aussi la vie intime de Emad et l’influence de cette frontière sur ces derniers. C’est surtout le personnage de Gibreel qui sera mis au centre de l’attention. Il est tout d’abord l’incarnation de l’innocence des enfants, faisant partie du groupe de petits qui s’amuse près de la frontière. Durant une séquence, on voit un enfant offrir une fleur à un soldat israélien. Les enfants, dans le film, ce sont d’abord ceux qui sont en dehors de tout conflit. Mais cette frontière qui sépare [...] l’enfance et l’âge adulte, est rapidement mise à mal dans le film. C’est à partir de la mort du personnage de Phil, lors d’une manifestation aux abord du mur, que la frontière des enfants est mise à mal. Phil représentait l’ami des enfants, celui qui les faisait toujours rire.
Durant le film, Emad se rend compte de l’influence néfaste de ce conflit, sur l’enfance de son fils. Vivant entouré par des mouvements de haines, son point de vue est rapidement biaisé, et la violence semble pour lui être la seul solution. Entre ses gestes d’enfants et ses paroles d’adultes, le petit Gibreel se trouve à la frontière entre deux mondes. Gibreel, c’est l’incarnation du malaise d’un peuple, comme on le voit lors de la séquence de l’abattage d’un mouton, regardant le sang couler sans réagir, comme s’il était déjà habitué à tout cela.



Mouvement de vie et mouvement de mort cohabitent tout au long du film, formant deux fils directeurs qui s’entrecroisent. Camille Bui



En débutant le film avec l’arrivée du petit Gibreel et les premières manifestations, Emad Burnat croise la vie et la mort, laissant comme seul frontière, le montage, qui vient séparer les deux. Mais petit à petit, la mort vient croiser la vie. C’est Gibreel qui parle de Phil ou regarde le mouton mourir. Peu à peu, la mort prend le dessus sur la vie, comme Israël tente de prendre le contrôle sur Bil’in. La mort vient souvent des balles israéliennes. Durant le film, on voit la mort de Bassem, dit Phil, mais on entend aussi parler de celle d’un enfant qui sera utilisé comme le porte étendard de ce conflit. Il y a surtout un évènement qui va venir mettre à mal cette frontière entre la vie et la mort, mais surtout, celle entre Israël et la Cisjordanie. C’est au moment où la quatrième caméra est détruite. Emad, lors d’un tour en camion, percute de plein fouet le mur. L’accident est grave et la vie d’Emad mise en danger. Alors que la mort semble venir depuis le début d’Israël, et de la présence de ce mur, ici, c’est le mur qui sauvera Emad. En effet, l’accident ayant lieu sur la frontière, les soldats israéliens présent ont pour obligation d’emmener Emad dans un hôpital israélien. Il sera donc pris en charge bien plus rapidement, mais surtout, comme le réalisateur le dit, dans des hôpitaux avec plus de moyens pour le sauver. Il est finalement sauvé par ceux qu’il considère comme l’ennemi. Au même moment, lorsqu’Emad se réveille, Israël commence son offensive sur la bande de Gaza. Le narrateur remet l’ennemi à sa place, expliquant que son sauvetage « n’est qu’une goutte dans cette grande vague de violence » imputant tout le mal à Israël.


Alors que les images au ralenti semblent surréalistes, la destruction des caméras vient rapidement remettre la réalité en place. [...] La caméra arrête la balle. Elle devient le bouclier, ou plutôt la frontière entre l’image filmique et la réalité, représenté par la violence et la mort. L’image devient celle qui capture la vie. L’expérience d’Emad à travers les images de ces 5 caméras, devient purement cinématographique, par un montage et un travail de la narration par la voix over, donnant cette aspect irréaliste. Le spectateur se sent hors du conflit, jusqu’à ce que l’on touche à l’essence même de ce qui fait le film. La destruction des caméras amène, selon moi, à retour à la réalité, autant pour Emad que pour le spectateur. Un retour brutale, qui rappelle à la mortalité de l’homme. Cette balle détruisant la caméra, c’est ce rappel. La destruction de chaque caméra, c’est aussi celle de leur propriétaire, Emad, qui perd peu à peu ami, famille et espoir. Seul l’image et l’impact qu’elles auront sur la réalité sont un espoir. La caméra devient la seul arme, ou plutôt, le seul bouclier face aux violences de la réalité.


En offrant ces images au monde, Emad Burnat, avec l’aide de Guy Davidi, parvient à révéler la réalité d’un conflit en se basant sur un cas particulier parmi tant d’autres. Par le biais de ses proche, sa famille et lui-même, le réalisateur donne un ressenti personnel sur l’intrusion de cette frontière physique dans sa vie et celle de son fils. Si la frontière amène de réel problème politique, elle révèle aussi l’impact que de tels changements peuvent avoir sur des enfants, mais aussi leur impact sur la vie des habitants de Bil’in. C’est grâce à ces 5 caméras que Emad filme son point de vue sur cette frontière, et révèle peu à peu celle plus imaginaire qui l’entoure.

noireau299
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le 12 avr. 2021

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