En ce 5 septembre 1972, le jour n’est pas encore levé sur le village olympique. Mais les équipes d’ABC sont déjà dans l’action pour diffuser les compétitions et les retours de plateau malgré le décalage horaire avec les Etats-Unis. Quand des coups de feu se font entendre…
Oubliés les exploits aquatiques de Mark Spitz, les Jeux joyeux de Munich deviennent brutalement l’épicentre d’une prise d’otages. Ce n’est certes pas la première fois que le septième art s’empare par la fiction ou le documentaire de l’événement. Spielberg est notamment déjà passé par là. L’intérêt du film est de se concentrer uniquement sur ceux qui ont permis à près d’un milliard de spectateurs à travers le monde de le suivre à la télévision. Au sein de cette seule tour de contrôle, les dilemmes moraux, médiatiques et politiques tourbillonnent, nous entraînant dans un ascenseur émotionnel d’une puissance rare. Jusqu’où peut-on aller pour informer le public ? La mort en direct est-elle envisageable ? L’éthique journalistique permet-elle la falsification de papiers d’identité et le piratage des moyens de communication de la police ? Tout montrer, n’est-ce pas devenir malgré soi complice des assaillants ? Faut-il sacrifier la double vérification des sources pour s’assurer de l’exclusivité ? Le succès d’audience a-t-il un prix ?
Au sein de la troupe se côtoient des Juifs américains, une Allemande et un Français d’origine algérienne. A travers eux s’expriment les relents de la Seconde Guerre aux plaies encore béantes, ainsi que le conflit israélo-palestinien qui surgit au cœur de l’Europe. L’air de rien, est dénoncée également la misogynie ambiante permettant à la jeune interprète, seule à comprendre la langue des autorités, de gagner sa place. Léonie Bénesh se montre tout aussi directive ici que dans la salle des profs.
Puis, c’est tout l’aspect technologique d’une époque désormais révolue qui est mis à l’honneur. De quoi nous faire comprendre ce que cela signifiait de développer une bobine, d’agrandir une photo, d’ajouter un surtitrage ou un logo avant la naissance du numérique. Dans une scène à la fois tendre et caustique, un poste de radio collabore avec un téléphone à cadran et un talkie-walkie pour ne pas se perdre dans la traduction. Entre la reconstitution et les images d’archives, l’illusion est parfaite.
En ce huis clos oppressant qui sent le tabac, le café froid et les aisselles – panne de climatisation oblige -, l’on se surprend à sourire quand c’est l’employé noir qui est choisi pour devenir un athlète fictif, les seuls autorisés à pouvoir encore s’introduire dans le périmètre ciblé. Ses collègues l’observent et l’encouragent à travers l’écran. Mais la tension demeure la plus forte et l’effroi nous assaille à la vue de ce terroriste encagoulé, saisi sur le balcon. Une vision proche du cinéma horrifique. Le scénario joue encore davantage avec nos nerfs en remettant en doute ce que l’on croyait savoir sur ce jour historique qui fait hélas écho à tant de violences encore vivaces aujourd’hui, dont l’attaque du 7 octobre.
L’exploit du réalisateur helvétique est de faire tenir ces 24 heures chrono en 94 minutes seulement. Le marathon devient un sprint. De cette lessiveuse, l’on en ressort groggy comme un boxeur, mais convaincu d’avoir assisté à l’un des plus grands matchs de l’année.
(9/10)
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