"Tu as entendu parler du film turc sur Netflix ?". Combien de fois avons-nous entendu cette phrase depuis le confinement ? "7 Kogustaki Mucize" ("le film turc" donc, vous ne m'en voudrez pas) a une histoire singulière : loin des blockbusters américains, loin d'être un film d'un réalisateur très célèbre avec un casting 5 étoiles, loin d'être une comédie, ce film a pourtant connu un succès incroyable : remake d'un film sud-coréen, il connait une réussite pleine dans les salles turques, avec plus de 5 millions de spectateurs ; distribué par la suite sur Netflix en France, il devient, pendant le confinement, le film le plus vu dans notre pays pendant une bonne période. Alors, succès mérité ou exagéré ?
Memo est un jeune homme qui vit avec sa grand mère et avec sa fille, Ova, les deux s'aimant d'un amour sincère, tendre, unique. Le problème de Memo est qu'il a des troubles psychologiques : il se comporte comme un enfant. Un jour, il est témoin de la mort (par accident) de la jeune fille d'un général de l'armée turque. Etant au mauvais endroit au mauvais moment et du fait de sa différence, il est immédiatement reconnu coupable et condamné à mort. Il est envoyé en prison et doit faire face à la violence des détenus partageant sa cellule, et surtout, l'absence de sa petite Ova...
J'aurais tendance à dire que ce succès est mérité. Alors, on va être clair directement, ce n'est pas le film du siècle, de la décennie ou même de l'année. Ce n'est pas un film qui restera dans nos mémoires pour être un accomplissement formidable pour le cinéma. Mais c'est aussi la force de ce genre de film, à savoir être très bon à son échelle, sans se vanter, sans en faire trop (encore que, celui-ci exagère un tout petit peu parfois), nous faire passer un bon moment, nous faire ressentir des émotions différentes (espoir, tristesse, colère, joie, rire, peur, horreur, etc) : ce film turc coche toutes ces cases. Je séparerai tout de même ma critique en deux parties : la première sera positive, et la deuxième, avec spoilers, sera plus négative, car je parlerai du point qui m'a dérangé dans le film.
C'est un film magnifique. Les images sont bien travaillées, avec un cadre insistant parfaitement sur les émotions des personnages. Ceux-ci sont d'ailleurs magnifiés par des performances d'acteur très touchantes, sincères et justes (mention spéciale pour l'acteur principal, la jeune actrice interprétant la petite Ova et l'acteur jouant le rôle du directeur de la prison). La musique sert parfaitement le film, avec un mélange de violon (beaucoup de violon quand même !) et de piano qui accompagnent très justement les images. Aussi, certaines personnes reprocheront au film, à travers tous ces points, son côté "tire-larme". Oui, c'est vrai, et alors ? Parfois, cela fait du bien, et si on est pris, cela fonctionne parfaitement... et à titre personnel, ca a très bien fonctionné ! Il y'a une réelle évolution dans le film en ce qui concerne la position du Memo, et cela fait plaisir à voir. Le film est en effet plein d'humanité et de tendresse (la scène d'adieu de Memo à ses compagnons est touchante, la scène où il aide un pigeon à voler également), et en ces temps troublés, cela fait aussi du bien à voir. Enfin, point essentiel du film, la relation entre Memo et Ova est magnifique, un père et une fille "n'ayant personne d'autre" (comme l'affirme un personnage du film), avec leurs petits jeux ("Lingo lingo ? Siseler !" ; le père qui sert de cheval à la petite ; etc), leurs câlins, leurs larmes... Et comment leur relation va-t-elle finir ? Le souci du film est là.
J'en arrive donc au point négatif, et vais donc entamer une petite (mais importante) partie spoilers. Pour ceux qui s'arrêtent ici, on peut conclure en disant qu'il s'agit d'un très bon film, qui réussit ce qu'il veut accomplir, et qui aurait frôlé la perfection en cas de fin différente.
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SPOILERS : Après avoir été condamné à mort et avoir passé plusieurs semaines en prison, après avoir convaincu ses compagnons de cellule (et même certains gardiens et le directeur de la prison) de son innocence, Memo est donc mis à mort, par pendaison. Mais par un retournement de situation inattendu, on comprend finalement qu'un de ces compagnons de cellule s'est sacrifié, avec l'aide des autres détenus et de certains membres de la prison, et est donc pendu à la place de Memo. Donc, ce dernier garde la vie sauve, retrouve Ova et tous deux (la grand-mère ayant décédé entre temps) fuient la Turquie.
Cette fin pose un problème : le film a un postulat général, qu'il maitrise à la perfection, jusqu'à ce qu'on voit la mort supposée de Memo. Cette heure et demie de film est parfaite, puisque le film accomplit exactement ce qu'il veut faire, et cela fonctionne : on se demande comment c'est possible qu'un être aussi doux, gentil que Memo, soit mort ; comment la petite Ova, qui a perdu sa grand mère, et son père, va vivre... ? Ce sont toutes les questions que l'on se posait pendant le film, et qui revienne en force avec la mort de Memo.
Mais finalement, par ce mécanisme, le film obtient un "happy end". Et c'est dommage, car cela retire au film toute sa force, toute la puissance de son postulat initial. Car des drames comme cela arrivent souvent, en grande partie à cause du maintien de la peine de mort. Et le film critique parfaitement ce point. Mais cette fin joyeuse met fin à cette critique, et ainsi, le film ne s'assume pas jusqu'au bout, et c'est regrettable (pour rester objectif, même si cette fin m'énerve, elle reste quand même sublime grâce à la mise en scène, la musique et au jeu d'acteur).
En conclusion, ce film, sans être un chef d'oeuvre, reste maitrisé, beau, et son succès est mérité. La seule chose qu'on peut regretter est cette fin qui casse (légèrement) la puissance et le message du film. Mais il vaut le coup d'oeil, pour toutes les émotions qu'il nous fait ressentir.