Premier prix du jury à la 41e édition du festival de Deauville, 99 Homes avait effectivement tout pour plaire : sujet certes déjà traité mais toujours actuel, casting excellent (Andrew Garfield, l'excellent Michael Shannon et même Laura Dern), étiquette "drame social indépendant", un trio visiblement gagnant. Mais loin de rester un film "indé" type Sundance de plus et de se cantonner à réutiliser des gimmicks qui commencent légèrement à lasser, 99 Homes propose une vraie réflexion comme valeur ajoutée à un drame efficace.
La plus grande force du film de Ramin Bahrani, c'est en fait de palier très rapidement au risque de misérabilisme dû au sujet du métrage en faisant évoluer son scénario vers quelque chose de plus nuancé, et donc plus intéressant. En effet, l'habituel conflit "expulsé contre expulseur" est ici déplacé vers un dilemme moral, un questionnement vis-à-vis du comportement à avoir face à une telle situation de crise. De quel côté vaut-il mieux être ? Une meilleure vie vaut-elle le coup quand elle demande de se retourner contre ses propres valeurs et sa solidarité ?
Ces questionnements sont principalement mis en scène avec le duo Andrew Garfield/Michael Shannon, non pas dans le sens de deux idéologies qui se confrontent mais plutôt deux issues à un même désir de s'en sortir face aux aléas de la vie. Deux faces d'une même idéologie. En tout cas, les deux interprètes sont tout du long excellents et rendent attachants des personnages qui auraient pu ne pas l'être, surtout celui de Shannon.
Ce drame social n'évite pas toujours quelques facilités, quelques passages obligés qui semblaient trop évidents pour ne pas être traités, mais Ramin Bahrani donne toujours de la force à ses images et ses personnages, de sorte que jamais les situations ne semblent forcées, ne sonnent faux. Dans la forme, on ne peut d'ailleurs pas vraiment dire que la mise en scène brille d'originalité, elle est même globalement assez plate. Cela dit, on ne peut décemment pas négliger sa belle fonction d'appui du scénario, grâce à un montage harmonieux, jamais racoleur et rendant justice à chaque personnage.
99 Homes n'est certes pas le film le plus original ou le plus bouleversant du festival de cette année 2015, mais il est loin d'être le moins intéressant. Divertissant, généreux en émotion et donnant matière à réfléchir, voici trois qualités qui sont largement à la hauteur de ce qui donnait envie de le voir à la base.