C'est alors que le lourd soleil déclinait, j'étais déjà bien attaqué par cet alcool qu'on dit de patates et qui vient, d'après les Russes, de Russie et, d'après les Polonais, de Pologne.
Et, je m'en souviens comme si c'était hier, c'est précisément lorsque l'astre brûlant se couchait, que, dans un élan de dingue, un peu comme ce type qui se croyant à un concert des Ramones se lance dans un violent pogo au moment précis où Dany Brillant entonne sa Suzette, sans doute atterré par le culot gorgé de naïveté, d'inculture et de cette façon de dire les choses sous mon toit, territoire exempt des lois françaises, car régit par les miennes, mon choix de film à partager avec mon ami du soir, ce pleutre de passage car je ne fais pas hôtel, fut Alien de Ridley Scott.
Par provocation, puisque, d'après l'esthète du bas-Montreuil, c'est un film de merde.
Cette envie de t'en coller une direct a été forte mais, mais, j'ai contrôlé ma fureur. L'âge aidant, la sagesse l'accompagnant, je décide de mettre ça par écrit, histoire de ne pas verser le sang si ma route croise un couteau et ta tête de mangeur d'accras, mais aussi pour ne pas oublier qu'on est entouré par des cons.
Avant toute chose, si tu me lis, infâme crasseux, tu n'es plus mon ami.
Tu as de la chance que ma lame à guillotine était à l'affûtage ce soir-là, sinon tu aurais été plus léger pour retrouver tes pénates et surtout moins con, allégé de cette tête qui ne te sert à rien.
S'il est un mange-merde ultime, c'est toi. Le prototype à demander à être servi dans un verre, avec une paille.
Ceux qui te connaissent te reconnaîtront et te feront payer l'ignoble injure au cinéma proférée dans mon humble demeure. La queue est longue, ça devrait te plaire, et la rancune tenace.
Ceux qui ne te connaissent pas ne perdent rien au change. Même si dans ton boulot, tu es plus que correct et que tu ne bananes jamais, et que tu carottes encore moins. Et c'est ta force, quand il est question de teuh-teuh.
Crois-moi, tu n'as pas fini de l'entendre, de le lire et je pense même en faire une petite chanson.
Toi étant parti, j'ai regardé le film. Jusqu'au bout. Pas comme la première fois. J'ai replongé comme un môme dans cette peur affolante qui m'avait glacé quand je n'étais pas plus haut que quatre ou cinq Heineken entassées, les Long neck.
Dans l'espace, personne ne vous entendra crier.
Chez mes parents non plus, on ne m'avait pas entendu crier. Me cachant sous la table du salon, les mains sur les yeux, je criais dans ma tête, mais je criais grave fort.
"Mais comment ? C'est quoi ? Des œufs ? Mais c'est dégueulasse ! Punaise mais ça fait tout fondre en plus ! Et puis c'est pas une nana qui va en venir à bout de ce truc ! Mais dégagez pute vierge, ça m'a l'air dangereux ! Aux protocoles oubliés, place est faite aux soupçons, aux querelles et à cette terreur qui colle aux couloirs du Nostromo. AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !"
Et ce soir-là, pourtant entouré de mes gens, protégé par mes lois, à l'abri sur mon domaine, je ne sais pas si c'est de croire entendre les échos de mes cris de morveux, ou le film qui m'a encore trimbalé aux confins de l'horreur, me perdant à l'infini : j'ai hurlé dans ma tête.
Mettre ça sur le compte de vapeurs de toutes sortes serait facile, une erreur fatale et une preuve de mauvais goût. Ce film, dans le genre, on n'a jamais fait mieux.