APRÈS SÉANCE
Chez DreamWorks, après Shrek et Kung Fu Panda, c’est au tour de la saga Dragons de connaitre son troisième volet. Toujours réalisé par Dean Deblois, Dragons 3 : Le monde caché clôt les aventures d’Harold et de Krokmou, jusqu’à ce que les tentations vénales des studios balayent toute beauté artistique et cohérence scénaristique à la manière d’un Toy Story 4.
Reculé à deux reprises, Dragons 3 prend donc la suite des aventures du village viking qui commence à être surpeuplé à force libérer et héberger des dragons, cohérent. C’est alors qu’un flashback permet de TRÈS SUBTILEMENT insérer dans l’intrigue la potentielle présence d’un monde caché où tous les dragons pourraient vivre heureux et en sécurité. Harold (Jay Baruchel) voit alors en ce monde caché, la solution aux problèmes de son village. Comme si cela ne suffisait pas (je rappelle quand même que le déménagement fait partie du Top 3 des événements les plus stressants), des méchants seigneurs de guerre engagent Grimmel le Grave pour capturer Krokmou, roi sans-dents des dragons.
SUR LE FOND : 6 étoiles
Dragons 3 est « l’épisode de la maturité », de la responsabilité et de la prise d’indépendance. Même si on peut davantage voir les années passer sur Harold (d’un enfant peureux à un Jake Gyllenhaal barbu en toute fin de film), c’est en réalité Krokmou qui passe à l’âge adulte et qui fait face à un conflit de loyauté. Son ami et maitre, qui l’a recueilli après l’avoir canardé, ou la tentation charnelle de l’Amour ? Le même dilemme qu’a connu le Papilusion de Sacha dans Pokémon (S01E21), le même dénouement aussi. Bande d’ingrats ! Pas de spoil ici, la bande annonce était déjà bien explicite sur ce point, Krokmou finit donc par fonder sa famille avec sa réplique shiny et ses trois mouflets hybrides à l’instar du Marsupilami. De quoi concurrencer les Porgs ou les bébés nifleurs dans les rayons de magasin de peluches…
Another Nightfury.
She's more like a bright...
A Lightfury.
La Furie Eclair est donc la grande nouveauté de ce troisième opus. Après nous avoir vendu Krokmou comme le seul représentant de son espèce, on apprend donc qu’il existe d’autres variétés de furie, et que le grand méchant Grimmel le Grave (F. Murray Abraham) passe ses aprems à les chasser, preuve qu’il en existe d’autres… Au diable la cohérence, l’important est qu’on comprenne bien que Grimmel est le grand méchant. C’est vrai que malgré la grande veste noire, le visage allongé, les cheveux hirsutes et peroxydés et la VF de Féodor Aktine, j’avais comme un doute. Non vraiment, j’aurais rajouté une grande cicatrice sur l’œil moi, mais ce n’est plus vraiment à la mode. Bref, aussi méchant soit-il, son plan est vraiment bancal parce que la Lightfury est clairement présentée comme un appât. Pourtant, elle vaque à ses occupations pendant tout le film, taquine Krokmou et se balade jusqu’au monde caché. C’est sur le retour de ce joli voyage que Grimmel interviendra comme si tout avait été prévu, moué…
Et ce qui est assez perturbant, c’est que Grimmel le Grave semble concentrer autour de lui toutes les incohérences de Dragons 3. Qu’est ce qui le rend si bad-ass ? C’est évidemment les deux dragons scorpions que Grimmel parvient à contrôler en utilisant sur eux leur propre venin. En voyant ça, mon sourcil gauche s’est automatiquement relevé, trahissant la perplexité montée en moi : Peut-on réellement administrer à une espèce venimeuse son propre venin ? Eh bien non, et ce n’est pas moi qui le dit, mais le Docteur Guignet (merci à lui au passage).
Le plan de Grimmel est donc complétement bancal, son principal moyen d’attaque est incohérent, qu’en est-il de son moyen de défense, de ce qui le sauve temporairement en fin de film ? Je remets le contexte : Grimmel arrive à New Beurk, récente bourgade comptant au bas mot quelques centaines de dragons. Il en capture deux (Krokmou et… Krokmolle), il en reste donc, au bas mot, quelques centaines moins deux pour contre-attaquer, les défendre. Eh bah non, parce que Grimmel, en dominant Krokmou, domine le dragon « Alpha », les autres dragons se soumettent donc à lui au lieu de défendre leur chef. Paie ta logique…
L’intrigue de Dragons 3 est donc clairement au service du fun et de la beauté de ses images. Rien n’est vraiment réfléchi, à l’instar du « monde caché » qui s’avère être en réalité une ÉNORME cascade en forme de puits en plein milieu de l’océan, bien caché… Qu’à la limite le chef Stoïk n’ait pas trouvé cette porte dans la mesure où il n’avait pas de dragon pour survoler les eaux, oooookay. Mais, pour Harold, il peut aller demander sa carte Cotorep hein… En plus d’avoir une jambe de bois, il est clairement malvoyant. Il y a, depuis le début, un trou dans l’océan d’un rayon de dix mètres, à moins d’une journée de vol de son village… Non vraiment, ce n’est pas réfléchi, et pourtant il y a quelques fulgurances parfois. On peut par exemple noter une timide sous-lecture antispéciste. Bon, ce n’est pas nouveau, c’est relativement chébran de caser ce genre de questions sociétales. Même Star Wars 8 y ait allé avec ses gros sabots de Rancor… Dans Dragons 3, Grimmel présente clairement son idéologie, ses actes se justifient par la supériorité présumée de l’Homme alors qu’Harold considère les dragons comme ses semblables.
Bon, cela ne rattrape clairement pas les incohérences de l’intrigue mais qui, au final, n’est pas inintéressante. C’est assez contradictoire mais devant l’écran, sans trop réfléchir, j’avoue que je me suis plutôt laissé emporter par l’histoire. Faut dire que Dragons 3 est beaucoup aidé par sa forme et sa qualité d’animation.
SUR LA FORME : 7,5 étoiles
Parce qu’il y a un point que nous ne pouvons pas nier, c’est qu’en termes d’animation Dragons 3 est nettement au level supérieur par rapport aux opus précédents. Et ce, nonobstant un budget qui ne cesse de baisser, passant de 165 millions de dollars pour Dragons, à 145 millions pour Dragons 2 et 129 millions « seulement » pour l’ultime volet. Malgré cela, c’est visuellement très bon. Loin d’être parfait, évidement. Je chercherais à pinailler, j’aurais fait la comparaison avec Spiderman : New Generation sorti en fin d’année 2018 et qui, au passage a couté près de 40 millions de moins… Mais restons positif : Dragons 3 est beau et varié, allant de la scène d’ouverture nocturne et brumeuse, à la découverte du monde caché coloré et lumineux rappelant un peu la direction artistique fluo de Coco.
You do know that my leg isn’t a chew toy, don’t you ? Is this what you want ? Go get it !
L’image est en plus sublimée par un traitement de l’éclairage aux petits oignons, notamment en travaillant des sources de lumière très faible (la lune et quelques torches dans la scène d’ouverture par exemple, ou un feu de cheminée dans la maison d’Harold). Les avancées technologiques et notamment outil Moonray a permis ce rendu plus réaliste et plus fluide. Cela permet notamment d’inclure davantage de détails dans l’image, et de pouvoir suivre des personnages dans une scène déjà hyper remplie. C’est le cas par exemple dans le mini plan-séquence où nous suivons Harold et Gueulfor (Craig Ferguson) dans le hall alors que tout Beurk est en train de festoyer derrière. Dans certaines scènes, ça fourmille vraiment. A titre de comparaison, seulement huit dragons pouvaient être animés à l’écran en même temps. Au-delà, le système plantait. Avec Dragons 3, dans les scènes du monde caché, cette limite a été repoussée à l’extrême avec l’animation de 65 000 créatures !
C’est assez décevant par contre que la BO ne soit pas au même niveau, perso je serais incapable de reconnaitre le moindre thème. Mais globalement, Dragons 3 fait le job. En plus, avec une durée de 1h44, le film n’est pas suffisamment long pour ennuyer son spectateur même si les protagonistes passent clairement leur temps à fuir à la manière d’un Star Wars 8.
Ainsi s’achève (je l’espère), la seule saga DreamWorks qui pouvait espérer rivaliser avec ses concurrents Disney et surtout Pixar. A côté, les autres long-métrages pour lesquels des suites sont prévues, à savoir Les Trolls, Les Croods, et Baby Boss, font pâle figure.
Bonus acteur : NON
Malus acteur : NON
NOTE TOTALE : 7 étoiles