C'est un conseil que je te donne, Ryan. Va pas te fourrer dans des histoires qui ne te concernent pas personnellement et qui risquent de finir en bain de sang. Je ne sais pas si c'est du cran ou de l'inconscience, mais je crois que t'as pas vraiment compris que les mafieux, égorger un mec qui les dérange, c'est pas vraiment un problème - ces gens-là ne s'embarrassent généralement pas d'états d'âme.


Alors tu prends les 100 patates - Carey Mulligan et son rejeton - le premier vol pour l'autre bout du globe et t'es peinard, vous vous la coulez douce pendant quelque temps là, à l'aise.


Mais non, on sait bien que les personnages des films n'optent JAMAIS pour la cohérence et la rationalité. Pour notre plus grand plaisir de spectateur, évidemment. Et du plaisir, on en prend beaucoup à regarder Drive qui, comme certaines œuvres (nocturnes) qui m'ont bouleversée - je pense à ça et ça, tire avant tout sa force de la beauté de son esthétique. La photographie y est exceptionnelle, le chef op (Newton Thomas Sigel) est un dieu de la mise en lumière et des plans de nuit, voilà ce que je me suis dit pendant 1h40. La bande-son est également magistrale et nous livre un thriller urbain diablement bien foutu, aux accents romantiques bien sentis et aux scènes d'action impeccablement maîtrisées.


Comme dans Only God forgives, je note l'appétence de Winding Refn pour les mises à mort sauvages, qui feront sans doute détourner les yeux de bien des âmes sensibles : fourchette enfoncée dans l'orbite, baïonnette dans l'estomac, lame de rasoir dans l'avant-bras.... Oui, hein. Voilà. Quand même. On fait pas dans la dentelle, ce serait pas marrant sinon.


Soit donc un mignon garagiste/pilote/cascadeur à ses heures perdues - qui va soudain se foutre dans une galère sans nom pour les beaux yeux d'Irene/Mulligan. Les quelques scènes de complicité (jolis moments au bord de la rivière) sont assez mièvres mais ça marche quand même du tonnerre, on est dedans, par la grâce de ce joli couple timide. Et timides, ils le resteront jusqu'au bout, à mon grand désespoir de cinéphile amatrice de torses toniques : j'aimerais donc, si possible, qu'un deuxième volet voie le jour qui pourrait enfin permettre à Ryan de dézipper ce blouson satiné à proximité de l'adorable Carey. A bon entendeur !


Ce film est une claque d'une hallucinante modernité - par sa mise en scène à la croisée de l'univers de la BD et du jeu vidéo, par ses courses poursuites haletantes, par la radicalité réaliste des scènes de violence - qui plonge notre regard dans l'obscurité pour mieux lui faire entrevoir les mystérieuses abysses morales de ses personnages.


Ryan Gosling est, comme à son habitude, ce personnage au regard impassible, obstiné, comme absorbé par une image obsédante : cette fixité le rend à la fois hermétique et fascinant. Une fois n'est pas coutume, je l'ai trouvé très sexy avec ses petits sourires timorés, ses yeux baissés, capable, en l'espace de quelques secondes, d'embrasser fougueusement puis de défoncer à coups de bottes la tronche d'un ennemi.


Brillamment réalisé, hypnotique, visuellement splendide : Drive drove me crazy.

Créée

le 17 mai 2016

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