Cette critique spoile le film Jackie.
En se penchant superficiellement sur Jackie, il est facile de penser qu’il s’agit d’un énième biopic insipide et uniquement calibré dans le seul but de gagner un Oscar. Néanmoins il n’en est rien. Jackie est un bon film, un grand film même. Ce biopic est tout à fait non conventionnel pour le genre, et on doit cela à son réalisateur. En effet, de par sa nationalité chilienne, Pablo Larraín a pu éviter le piège du biopic comme mémoire commune américaine et au contraire livrer un visage plus objectif, plus personnel, de Jacqueline Kennedy.
Natalie Portman, dans le rôle de Jackie, livre ici une des meilleures interprétations de sa carrière, à mettre au même rang que sa performance dans Black Swan. Elle se fond totalement dans le rôle de la Première dame jusqu’à devenir méconnaissable, malgré le fait qu’elle soit une actrice reconnue, chose extrêmement rare. Sans aucun doute, elle est l’élément qui, allié à la réalisation de Pablo Larraín, fait que Jackie est un excellent film. Elle est splendide à tout moment, que ce soit dans les scènes les plus intimistes comme les plus impersonnelles. Le travail sur les décors permet de faire ressentir toute la solitude du personnage. Comme lors de la séquence où Jackie, sous fond de Camelote, erre seule dans les pièces vides de la Maison Blanche, reconstruits en studio.
Le travail de reconstitution est phénoménal, que ce soit les décors ou les costumes, on peine à imaginer que le film n’a coûté que neuf millions de dollars. On s’y croirait à chaque instant, au cœur même de l’action, ce qui est renforcé par la mise en scène de Larraín. Le réalisateur, au-delà de livrer des plans somptueux, presque mallickien par moment, nous plonge avec sa caméra dans l’esprit de Jacqueline Kennedy. Les plans rapprochés sont omniprésents pour souligner le malaise que ressent Jackie, malaise rendu d’autant plus fort par l’utilisation de la caméra à l’épaule, et les rares cadres plus aérés ne sont là que pour montrer toute la solitude et le désespoir du personnage. Le contraste entre l’intimiste et le procédural et d’autant plus marqué lors des scènes de dialogues. Les scènes de discussion où Jackie se sent proche, en confiance, avec la personne sont filmées avec les personnages partageant le cadre. Au contraire, lors de scènes où Jackie est sur la défensive, comme celles avec le journaliste, les personnages sont systématiquement séparés par l’utilisation de champ-contrechamp
Enfin, comment parler de Jackie sans parler de sa musique. Composée par la brillante Mica Levi, qui avait déjà signé la bande originale de l’envoûtant Under the Skin, la musique joue un rôle prédominant dans le film. Elle est omniprésente, apparaît subrepticement et à un volume élevé pour appuyer toute la douleur que ressent Jackie. Suffocante et unique en son genre, la bande originale s’accorde, voire sublime, parfaitement l’idée de nous plonger dans l’esprit de Jackie lors de ces jours douloureux. Jackie est un renouveau total dans le genre du biopic. Un grand film à n’en pas douter, aux émotions fortes mais malheureusement directement relégué dans la catégorie film à Oscar par beaucoup trop de personnes.