Je crois qu’il y a des films qui se font dépasser par leur contexte et ce faisant en tirent leur force. Des films qui prennent une grande part si ce n'est la totalité de leur charge émotionnelle pour une seule prestation et La Passante du Sans-Souci fait, certainement partie de ces deux dernières catégories pour la performance de Romy, déchirante de vérité dans son rôle le moins composé...
Autant que le film et cette prestation me reste en mémoire, de manière presque lancinante, ce titre ô combien ironique et évocateur , tellement précédé de sa tragique aura et sur lequel plane déjà une certaine ombre funeste voire macabre, à tel point qu’il m’a fallu un certain temps avant de me décider à le voir.
Je tiens surtout à saluer des interprétations naturelles bouleversantes : que ça soit Piccoli, magnifique dans cette histoire de vengeance, ou Mathieu Carrière parfaitement glacial et charismatique en Nazi.
Au delà des émouvantes musiques signées Delerue et de la reconstitution historique saisissante d’une des périodes les plus noires de l’Histoire, j’en garderai aussi l’idée d’une part de destin pour l'interprétation qui m'a le plus touchée :celle de Romy. J’ai, en effet, toujours eu l’impression que ce film doit si ce n’est toute sa notoriété du moins une grande partie de celle-ci au fait qu’il doit l’ultime film d’une icône. Et, certes, plus que La Piscine , Les Choses de la vie , sa réinterprétation de l'impératrice Elisabeth dans Le Crépuscule des Dieux , Le Vieux Fusil ou d’autres œuvres, il peut être tenu pour l’incarnation du mythe Schneider.
Pour autant, derrière la détermination de celle qui fut à l’origine de ce projet à continuer malgré tout, résonne l’ultime révolte de la grande comédienne engagée. Que ce soit là un testament cinématographique - le film étant encore en salles après son décès - , que son dernier engagement ait une part d’ « incomplet » puisqu'elle disparaîtra avant de pouvoir doubler le film dans la plus symbolique des langues (l’allemand), n’y change rien... Que ses drames rejaillissent comme jamais à l’écran ne fait que donner plus de puissance à une interprétation déjà marquante.
Si je dois reconnaître que de par son thème, il ne peut que me toucher profondément pour des raisons personnelles et entrer violemment en résonance avec deux attentats à antisémites (celui de la Rue Copernic, qui a achevé de la convaincre de le tourner et celui qui éclate Rue des Rosiers, à peine deux mois après le décès de Romy) , coïncidences frappantes ou non, rien ne pourra effacer le fait que ça soit probablement un troisième césar « fantôme » pour celle qui reste, d’une certaine manière, 36 ans après, la Passante éternelle.