Le fauteuil du pouvoir n’est pas resté vide. Celui qui a comblé la place vacante s’appelle Michael Corleone. Le volet inaugural racontait comment le destin de ce jeune homme brillant, ombrageux et individualiste se fit littéralement aspirer par un trône que pourtant il ne désirait pas. L’œuvre connut un triomphe sans précédent. Affalés dans leurs sièges rembourrés, on voyait déjà les mandarins de la Gulf and Western, un œil sur le Wall Street Journal, se dire cyniquement qu’ils tenaient là une bonne vache laitière et pourraient encore en tirer une pinte du même pis. Parce que les personnages de Marlon Brando et James Caan étaient morts (deux atouts maîtres sur le tapis), ils ont pu estimer que mettre les rallonges et utiliser les fonds de tiroir ferait assurément l’affaire. Fort heureusement, Francis Ford Coppola ne mange pas de ce pain-là. À trente-cinq ans, tout juste sacré nouveau roi d’Hollywood, auréolé d’un Oscar et d’une Palme d’Or (d’autres suivront), il démontre qu’il est un artiste gorgé d’énergie, follement téméraire, suffisamment mûr pour tenter l’impossible. Les torrents de gloire et de richesses apportés par son nouveau statut épanchent sa soif de liberté. Il est fatal que les cinéastes majeurs prennent pour vrai sujet — même secret — celui qui permet, contient et constitue presque tout, ce dieu que l’on ressuscite sans cesse et qui revient assidûment nous dévorer, cet invisible toujours présent : le Temps. Rien n’est plus risqué qu’une telle entreprise, rien n’est plus audacieux que les défis qu’elle engage. Comment être suffisamment narratif pour reproduire la densité, le souffle d'une existence qui est un enchaînement d'actions, même minimes, et comment éviter le simplisme de la linéarité puisque celle-ci bondit toujours hors du successif, se fuit, se trouble et mêle ses différentes eaux ? Comment montrer le répétitif et ce qui constamment le perce et l'annule ? Comment n'être ni trop harmonieusement fluvial, ni exagérément chaotique ? Comment se tenir somme toute à mi-chemin du Parrain et d'Apocalypse Now ? La promenade souveraine de Coppola parmi les méandres du temps a fait plus que répondre à ces questions : elle a durablement imposé au cinéma de nouveaux standards romanesques.


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Le réalisateur renonce ici à toute structure traditionnelle et organise les flexuosités de plusieurs intrigues enchevêtrées à la manière de ces vastes romans-fleuve que personne ne sait plus écrire. L’histoire éclate en fragments dont l'unité tient à autre chose qu'au récit ; elle se justifie à la fois sur le plan de l'analyse politique et historique des États-Unis et sur l’évolution psychologique d’un être qui, parvenu à l’apogée de sa domination et de son inquiétude, cherche toujours à comprendre et à espérer. Premier chapitre : à Corleone, en Sicile, Vito Andolini a neuf ans. Son père et son frère ont été tués par le caïd local, sa mère l’est sous ses yeux, et le garçon survivant ne doit son salut et sa fuite qu’au sacrifice de celle-ci. Aidé par des villageois, il embarque pour le Nouveau Monde, patrie lointaine de la réussite et de la prospérité. Deuxième chapitre : Anthony, fils de Michael, petit-fils de Vito, célèbre sa première communion en grande pompe au cours d’une gigantesque golden-party, dans la propriété que la famille possède sur le lac Tahoe. Un sénateur remercie son hôte pour une généreuse donation au fonds de l’Université de l’état, écorchant au passage le nom des Corleone (il sera plus tard mis au pas). Une chorale d’enfants entonne un chant dédié à Michael, Mister Wonderful. La faune interlope dont celui-ci s’entoure n’a rien de commun avec la lignée exclusivement ritale sur laquelle régnait son Don de père. L’intrusion de l’Amérique WASP se visualise d’emblée par la blondeur des invités, toute une jeunesse dorée qui écrira l’avenir de la nation. La cérémonie brille de politiciens véreux, ennemis autrement plus coriaces et dangereux que les fanfarons de la pègre locale détrônés par Vito dans sa vie parallèle. L’opposition est violente entre le sanctuaire du Parrain, où Corleone recevait comme à confesse, et le bureau ouvert à tous les parasites s’ébrouant au soleil. Le sacré s’est perdu, évanoui sous la lumière rasante de cet improbable Nevada, simulacre de l’Ouest des pionniers d’où le technocrate tente de légaliser ses activités à Las Vegas et prépare de juteux contrats avec le gouvernement cubain. Les chefs d’entreprise ont remplacé les pontes mafiosi. Deux itinéraires, deux segments spatio-temporels, deux niveaux de fiction tressés à la manière d’une natte. La jeunesse de Vito est un épisode inclus dans l’autre, la grandeur et la décadence de Michael formant le thème principal auquel l’auxiliaire s’adjoint comme un solo de flûte.


La mise entre parenthèses du premier film, le vide qui est au centre du second lors des passages incessants d'une époque à une autre, alors que les chronologies se développent parallèlement, renvoient à la conscience béante d’un pays qui constate l'exploitation, la dégradation, l'échec, la solitude et la violence de sa conduite, de ses mœurs, et qui aimerait s’amender par un regard rétrospectif. Les principes fondateurs de la Mafia, le contrôle absolu, le partage territorial, le dumping, l'élimination des concurrents, l'éthique de la corporation qui a abouti à la naissance de certaines grandes industries, au développement des puissances économiques, des mégalopoles et des fortunes personnelles, tout cela rejoint les croyances constitutives de l’identité américaine. Plus le récit progresse, plus l'ascension triviale du père sonne comme un écho héroïque à la lente et inéluctable descente aux enfers du fils. Pour conserver l’empire qui lui a été légué, Michael doit payer. Le prix sera le bonheur et parfois même la vie des membres de sa famille. La transgression de la loi est une chose, le mal fait aux proches en est une autre. Kay s’est durcie, l’épouse de Fredo dit n’importe quoi, Connie veut épouser n’importe qui. Dans une communauté aussi patriarcale que celle des Corleone, l’incapacité des hommes à tenir leurs femmes en place traduit une première faille : le respect a fait place à la crainte. Lorsque Kay avoue à Michael que sa fausse couche était en réalité un avortement, elle lui signifie son refus de perpétuer cette dynastie maudite et d’assumer un enfant dans un univers tel que sa transmission généalogique l’a modelé. Pire encore est la forfaiture de Fredo, veule et faible, jaloux et mortifié que la couronne soit passée directement à son frère cadet. Le baiser mortel que lui donne Michael lors du bal du nouvel an, tandis qu’il lui confie d’une voix brisée son chagrin d’avoir été trahi et que la bourrasque du putsch castriste vient s’accorder au tumulte de son cœur, porte à son sommet d’intensité dramatique le familialisme de la saga. Rétrospectivement, tout confirmera ce point de non-retour : le péché le plus ultime, le plus inexpiable de la trilogie n’est pas les crimes enchaînés à tour de bras mais bien le meurtre-anathème du frère, que Michael portera comme un fardeau pour le restant de ses jours. Mis en vers, transposé au XVIème siècle et en Angleterre, le film serait une tragédie élisabéthaine.


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Le génie de Coppola consiste à mouler ces enjeux sur les grands moments d’une vie, ceux où l’instant présent est le plus sensible, ceux où il s’absente et s’écarte pour épaissir l’air d’un contrepoint poétique, d’une visitation invisible. Un illustre exemple se situe au début, juste après l’arrivée du petit Vito à Ellis Island, carrefour new-yorkais de tous les candidats au rêve américain : scène-clé qui contient en germe un pan entier du cinéma à venir, de Sergio Leone (Il était une Fois en Amérique) à James Gray (The Immigrant). Le chœur d'opéra du bateau découvrant le surgissement de la Liberté s'abîme déjà dans le passé. Placé en quarantaine après qu’un agent paresseux du service d’immigration l’ait baptisé du nom de sa bourgade natale, le garçon s'immobilise dans le cadre de cette vitre-tableau-miroir où la statue devenue floue demeure mais ne s'élance plus, déjà mêlée de son propre visage qui hésite entre regarder, songer ou peut-être se souvenir. Est-il assis devant la blancheur vide et prometteuse de l'avenir ? Mais voici qu'il chantonne une ritournelle italienne et que se dessine, mal assurée d'abord, la silhouette de son petit-fils Anthony, à peu près à son âge, six décennies plus tard. Cette transition fulgurante est tout à la fois un lien narratif et un fragment oscillant de peinture mentale, la célébration mélodieuse et frémissante du Temps. Elle chuchote ce qu'il y a de commun à la famille, à la durée lorsqu'elle se fait intensément tangible, et à l'artiste au travail : ce rassemblement de ce qui est épars, cette aimantation des essentiels. L’histoire du Parrain, 2ème Partie est celle du temps qui raconte ses tours, Saturne décrivant ses courbes, les associant avec les glissements qui rythment le film et viennent ainsi couler comme l'eau ou le vent. Ce sont notamment les scènes finales de disparition des adversaires de Corleone, vues de loin et de haut : au brio du montage alterné baptême-massacre du premier volet se substitue une série d’effacements étonnamment sobres qui placent le Monde et la Terre au premier plan. Ou bien encore, legato admirable, le travelling sur la vague oblique de feuilles mortes semblant rouler à la fois un hommage et un assaut vers la villa du maître solitaire. Avant le sang écoulé du suicide de Pentangeli, c'est la massive fluidité du temps qui souffle et s'avance, lui qui fait les saisons, lui qui pousse la brise sur le lac engloutissant le frère félon faussement amnistié.


Dans ces clans aux codes si rigides que la Table Ronde du roi Arthur n’en aurait été qu’un premier brouillon et que la Curie antique en comparaison fait figure de colonie de vacances, la brutalité reste larvée et sourde, se profile derrière des conversations avenantes et des formulations courtoises, mais n'a guère besoin de se manifester. L’exercice du pouvoir est montré comme un inéluctable pourrissement moral, une lente extinction de tout ce qui est du côté de la vie. Arrivé au sommet de sa puissance, ayant éliminé tout ce qui pouvait restreindre son royaume, Michael est condamné à une solitude glacée qui scelle son existence dans le néant. Son triomphe est celui de l’ombre sur la lumière. Vito pensait en termes d’échanges de services, sur un modèle archaïque où le chef incarnait la loi pour le bien de tous ; son héritier, reclus au sein de son ranch hypersécurisé, renvoie amis et ennemis dos à dos, dans une paranoïa grandissante. Le film se termine sur un gros plan du héros pensif, perdu dans un abîme intérieur. Image indatable — les cheveux sont légèrement gris — qui pourrait être filmée des années plus tard, comme s’il avait passé tout ce temps, imperturbable, à attendre la mort. C’est une figure définitive de la mélancolie, un solitaire à la bile noire, replié sur sa défaite. La neige qui tombe brusquement au retour de Cuba, le personnage filmé de derrière les baies de sa demeure, la végétation, fleurs et fougères, envahissant progressivement maison et domaine, expriment inéluctablement cette congélation affective, cette extinction funèbre. Michael est devenu le Mal, mais il n’est que la marionnette de la violence ancestrale qui l’agite, le rouage d’une machine tournant désormais à vide. C'est bien le temps lui-même qui, finissant de serpenter çà et là, s'avance au dénouement vers lui, le saisit dans le cadre, le tient, creuse ce bref ruisseau sec d'une ride inédite, au bord de l'œil voyant ce qui vient et ce qui vainc.


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Dire qu’un tel chef-d’œuvre résulte d’une exceptionnelle conjonction des talents, c’est rappeler une évidence. Mais on ne peut décemment pas omettre de glorifier la présence des deux acteurs les plus emblématiques de leur génération, réunis par l’artifice d’un fondu enchaîné pour quelques secondes seulement à l’écran : moment révéré par tout cinéphile que celui de la réapparition de Vito venant naître à son tour depuis le profil de Michael penché sur le petit Anthony couché, avant de peu à peu s'effacer au profit de son père maintenant de face et regardant, par-delà les années, son propre bébé alité et malade. Robert De Niro part du moindre détail imposé avec autorité par Brando, rend palpables ses qualités de force, de ruse, de contrôle de soi. Tout en gardant intacte sa personnalité, il accomplit avec panache un véritable exploit, jusqu’à faire entendre la voix encore jeune du Parrain, son timbre éraillé, sa cadence particulière, son grommellement, sa manière de savonner sur certains mots. Al Pacino explore toujours plus profondément les nuances d’un jeu intériorisé, instinctif, magnétique, et confère à son personnage de damné inflexible une intensité d’autant plus frappante que jamais il ne se libère ni ne bascule dans le pathétique, l’excessif, le mélodramatique. Il reflète la magistrale économie d’une mise en scène dont le luxe matériel s’efface derrière la sérénité d’un découpage toujours resserré autour du geste significatif ou de la discussion qui s’impose. Chaque mouvement de caméra est dicté par la circonstance, par la traduction d’une impression ou d’un sentiment, chaque recadrage reprend les personnages dans leurs gestes de plus juste adéquation avec le décor. Gordon Willis poursuit le travail plastique élaboré sur le premier film : si la couleur sombre caractérise les marrons et les noirs, un sépia délicatement nostalgique nimbe la trajectoire de Vito jeune d’une aura irréelle, en accord avec la magnifique reconstitution du quartier italien des années vingt. Une telle rigueur accable tous les produits à la mode, tous les styles outranciers et racoleurs, toutes les fioritures complaisamment étalées. Elle concentre les richesses infinies d’un art maîtrisé jusqu’au vertige, et dont l’ampleur symphonique n’étouffe ni n’altère paradoxalement jamais la respiration intimiste. La grande scène de confrontation entre Michael et Kay (superbe et vibrante Diane Keaton), celle des retrouvailles blessées entre Michael et Connie, qui l'implore de pardonner à Fredo, palpitent ainsi d’une extraordinaire émotion contenue.


Coppola alterne sans cesse les resserrements visuels, l’emprisonnement dans un présent oppressant ses protagonistes et leur extension par la filiation, par l'Histoire également, qui les dépasse, les rattrape, les agrandit démesurément. Les dates elles-mêmes sont aussi légendaires que pragmatiques, comme l'originel 1901 (comment ne pas penser au 2001 de Kubrick ?) de l'arrivée, ô combien épique, du paquebot des pauvres émigrants ; telles aussi 1917, 1933 — quand Kay évoque le sang de son mari, c'est pour hurler qu'il coule dans ses veines depuis deux mille ans. Le temps du mythe est un temps d'or, figé dans la lumière tranchante d’une inaltérable origine. La Sicile sera toujours regardée comme le Commencement, à la fois matin de Corleone et celui de la vieille Europe. Le passé ? Un éternel été gréco-romain, scintillant, étouffant, éblouissant, tragique — depuis le personnage de la mère inclinée vers la dépouille du frère de Vito jusqu'au jardin du crime à la fois paradisiaque et terrible, immobile dans ses fruits colorés et ses phosphorescences. Le futur ? L'expansion, Cuba nouvel Eldorado, bascule dans la révolution, pas même une catastrophe ni un imprévu, juste un contretemps qu'on pressentait, qu'on regarde comme le reste, d'un air vaguement morose, derrière sa fenêtre. Tout se dérobe : la statue de la Liberté rétrécit peu à peu, devient peinture maladroite d'opérette puis simple bout de bois transporté à travers l’océan. La Terre promise échappe au gangster juif Hyman Roth : pour lui non plus, pas de loi du retour. Le christianisme est englouti sous les dollars, l'Empire romain réduit à une baignoire du FBI... Toutes les fondations sont en cendres, ensablées, dérisoires. Et la succession de ces effondrements paraît envelopper la figure opaque de Michael comme le cercle des sacrifices ceignait le lit de l'impassible Sardanapale. Le secret de la lignée, de la chaîne des temps, du passé où revenir boire, de l'avenir où vouloir accoster, ce secret s'est peut-être à jamais perdu. La saga des Corleone aurait pu s’achever sur cette irrémédiable tristesse, cette déchirante amertume. Seize ans plus tard, le cinéaste la prolongera d’un troisième volet plus opératique qui redéfinira ses perspectives et creusera encore davantage ses implications. Mais c’est bien cet épisode-charnière, astre central de la galaxie coppolienne, qui en articule au mieux les forces cardinales, en distille l’essence la plus vive et en concentre toute la crépusculaire beauté.


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le 3 déc. 2016

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Thaddeus

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