Cette critique ne spoile pas le film Mission Impossible – Fallout.
Avec Fallout, Christopher McQuarrie prouve qu'il est l'homme de la situation en ce qui concerne la saga Mission Impossible puisqu'il surpasse son déjà excellent Rogue Nation. À nouveau, les codes établis précédemment sont respectés mais de la nouveauté est aussi ajoutée. En effet, en plus de réaliser un nouvel épisode classieux, McQuarrie y arrive sans singer sa mise en scène de l'épisode cinq : Rogue Nation et Fallout sont différents, quand bien même réaliser par la même personne – chose qui n'était pas évidente, étant donné que c'est la première fois qu'un réalisateur réalise un deuxième Mission Impossible. Ce qui, toutefois, permet de se reposer sur des qualités certaines : McQuarrie sait filmer les séquences d'action et il le prouve à nouveau avec ce film.
En particulier, le saut entre deux immeubles (qui valut à Tom Cruise une fracture de la cheville) ou le saut en parachute, tout deux filmés avec des plans d'une longue durée, donnent un sens accru au réalisme de film et nous plonge plus facilement dans son action spectaculaire. Puis, lorsqu'il s'agit de séquences plus fragmentées, comme la course poursuite dans les rues de Paris, la mise en scène arrive à garder la même intensité, tout en gardant en lisibilité. Notamment grâce à l'utilisation de l'excellente bande originale (probablement la meilleure de toute la saga) ou, au contraire, grâce à l'utilisation du silence et, bien sûr, le splendide découpage de McQuarrie qui insuffle un rythme nerveux qui perdure tout le long de la séquence sans une seule baisse de tension. Et même lorsqu'il ne s'agit pas de cascades impressionnantes – au standard des Mission Impossible –, la réalisation reste tout aussi efficace, lisible et dynamique à l'image de la scène de combat dans les toilettes de la boîte de nuit. Entre le bel hommage à The Raid 2 de Gareth Evans et de magnifiques chorégraphies, ce combat à mains nues est l'une des séquences les plus brutales de la série, car la mise en scène arrive à faire ressentir la dureté de chaque coup.
Cette séquence – et plus généralement, toute la séquence de la boîte de nuit – permet également au film de développer un esthétisme inédit pour la saga. Plus que dans tous les autres Mission Impossible, on sent que Fallout possède une attention toute particulière pour l'image, ce qui passe par des idées particulièrement audacieuses, comme les séquences de rêves, et on en prend plein les yeux entre les différents décors et cascades – puis, comment peut-on ne pas apprécier ses scènes d'actions dantesques prenant place au sein de notre belle capitale ?
En matière de scénario, Fallout s'inscrit comme étant un réel film d'espionnage : doubles-jeux, trahisons et faux-semblants sont de la partie et pas qu'un peu. Cela implique donc beaucoup de retournements de situation, chose que le film ne gère pas très bien, hélas. Car même si, dans la globalité, tout semble logique bien qu'un peu confus, les retournement de situation sont traités bien trop rapidement, donnant presque l'impression d'une succession d'effets de style gratuits et sans profondeur, et il est difficile de tout digérer à cause du rythme soutenu qui est proposé – il ne faut pas que le spectateur s'ennuie de trop, donc tout ce qui n'est pas de l'action est assez vite expédié, triste logique. Ce qui conduit donc à de nombreuses sur-explications de Tom Cruise qui dit exactement ce qu'on devait comprendre dans la scène. D'autant plus que certains retournements peuvent s’avérer assez prévisibles, parce que peu subtils dans leur préparation afin de favoriser la compréhension du spectateur lambda, on peut alors regretter que le film choisisse la complexité scénaristique pour, au final, tout nous réexpliquer. Difficile de penser qu'il aurait pu en être autrement vu le contexte socio-économique dans lequel Fallout évolue, mais cela fait tout de même tâche dans un film, autrement, excellent à tous les niveaux.
Mission Impossible – Fallout réussit même le presque exploit d'avoir une dramaturgie solide. Les héros sont ici plus en détresse qu'ils ne l'ont jamais été et tout ne semble tenir qu'à un fil pendant deux heures et demi. Même s'il est évident qu'à la fin tout ira bien, le film traite la possibilité de l'échec comme quelque chose de parfaitement plausible ce qui, à défaut de nous faire croire à l'impossible, renforce les enjeux et la sensation de danger imminent ; également parce que Fallout se concentre davantage sur ses personnages, en premier lieu Ethan, que n'importe lequel de ses prédécesseurs, et ce pour mon plus grand plaisir. Et cela ne serait pas possible sans des performances incroyables de la distribution – mention spéciale à Ving Rhames qui livre sa meilleure interprétation des six films dans celui-ci. En somme, Fallout a compris l'importance des personnages dans le cinéma d'action : un tel résultat est donc logique. Pour autant, cela ne veut pas dire que le film se prend totalement au sérieux, comme le prouve le désamorçage de la bombe à la fin qui n'est pas sans une grande dose d'auto-dérision (autant par le choix du moment où les fils vont être coupés que la réplique de Luther à Ethan par la suite).
Aucun doute sur le fait que Fallout est le meilleur des six Mission Impossible.